Le 22 août dernier, un décret est venu clarifier la réglementation autour de la certification des logiciels d’aide à la prescription (LAP) et à la dispensation (LAD).
Ou tout au moins en était-ce l’objectif attendu, depuis que la Cour européenne de justice a, en décembre 2017, confirmé que les LAP et les LAD sont bien des dispositifs médicaux soumis à ce marquage et de ce fait, incompatibles avec les certifications nationales. Une décision entérinée par le Conseil d’État en juillet 2018. Ce nouveau décret définit le nouveau cadre de la certification, en précisant que celle-ci n’est plus obligatoire, mais laissée à la libre appréciation des éditeurs. Seul le marquage CE s’impose à eux. Cela rebat entièrement les cartes de la certification pour les éditeurs de logiciels de pharmacie en France laquelle était en chantier depuis quelques années. « Aucun éditeur n’avait de certification au moment où la Cour européenne de justice a rendu sa décision, mais les éditeurs avaient déjà effectué les travaux nécessaires, explique Denis Supplisson, directeur général délégué de Pharmagest et vice-président du collège pharmaciens de la Fédération des Éditeurs d’Informatique Médicale et paramédicale Ambulatoire (FEIMA). Aujourd’hui, on nous incite à le faire, en plus du marquage CE. »
Des processus très différents
Faut-il donc que les éditeurs passent les certifications pour les LAP et les LAD, définies et supervisées en France par la Haute Autorité de santé en plus du marquage CE ? Ces deux processus sont très différents l’un de l’autre. Le marquage CE garantit la qualité du produit et celle de son environnement, et donc a un impact sur le fonctionnement de l’éditeur et ses process. Il nécessite de construire un management de la qualité. Pharmagest a par exemple nommé un directeur qualité rattaché à la direction générale. « Ce management de la qualité nous demande d’écrire nos process de façon détaillée et structurée », commente Jean-Michel Monin, Directeur de l’activité pharmacie France de l’éditeur. « La certification HAS, elle, est plus orientée métier. Elle correspond mieux aux besoins des professionnels de santé, précise Marc Fumey, adjoint au chef du service et chef de service par intérim évaluation de la pertinence des soins et amélioration des pratiques et des parcours de l’organisme. Elle a l’avantage aussi d’aboutir à un ensemble de fonctionnalités communes aux éditeurs. » La gestion du marquage CE et celle de la certification HAS n’ont rien de commun non plus, la première est plus complexe, plus longue aussi. « C’est une démarche continue », souligne Marc Fumey. Et surtout, les éditeurs se retrouvent seuls face à ce qu’il faut faire. En cas de dispositifs médicaux de classe 1, c’est une démarche déclarative et il n’y a pas d’organisme certificateur. Mais il faut pouvoir apporter la preuve en cas de contrôle de l’autorité de tutelle, en l’occurrence l’ANSM, que le logiciel est bien dans le cadre du marquage CE. Il semblerait cependant que l’évolution de la réglementation européenne aille vers le marquage CE de classe 2, et plus précisément de classe 2a pour les dispositifs médicaux. Auquel cas, il faut passer par l’organisme certificateur, le LNE, actuellement submergé par les dossiers. Selon nos informations, les délais d’attente seraient de deux ans ! La certification est plus simple, et aussi moins coûteuse, « la certification HAS est une certification de produits, ses coûts sont plus faibles, nous passons une journée chez l’éditeur et passons alors une batterie de tests », précise Marc Fumey.
Étrangetés juridiques
Différences fortes, mais aussi similitudes dans l’étrangeté juridique ; dans les deux cas le contexte à la fois réglementaire et factuel a de quoi perturber les éditeurs. Le décret du 22 août dernier fixe le 30 avril prochain comme date limite pour se conformer aux nouvelles exigences réglementaires. Or on l’a vu, c’est impossible. En réalité, on demande juste aux éditeurs de commencer le process de marquage CE et de pouvoir le prouver. Mais comment s'y engager lorsqu'on ignore par quelle classe de marquage CE il faut passer ? La réglementation autour de la certification HAS a, elle, un aspect quasi kafkaïen : il est en effet mentionné que tout développement de nouvelles fonctionnalités décidé au niveau des autorités publiques serait obligatoire pour les éditeurs qui auraient choisi de se faire certifier, avec une pénalité susceptible d’atteindre 10 % du chiffre d’affaires réalisé avec le logiciel. Une disposition pour le moins dissuasive qui a conduit les éditeurs à refuser la certification, mais à en adopter néanmoins le référentiel appelé d’ailleurs à évoluer puisque la HAS a lancé un appel à candidatures pour l’actualiser et le compléter.
On l’aura compris, tout cela n’entraîne pas de conséquences immédiates pour les pharmaciens. Sans doute quand plusieurs LAD auront le marquage CE faudra-t-il songer à s’en équiper, pour s’épargner peut-être d’éventuels risques juridiques. « Quand la majorité des logiciels auront ce marquage CE, il pourrait en effet y avoir des contrôles », augure Denis Supplisson. Risque plus immédiat, le renchérissement des licences, compte tenu des investissements que les éditeurs, petits et grands, vont être conduits à effectuer pour obtenir le marquage CE.
Près de 40 % du chiffre d’affaires
Médicaments chers : poids lourds de l’activité officinale
Les concentrations continuent
Hygie 31, Giropharm : grandes manœuvres au sein des groupements
Valorisation et transactions en 2023
La pharmacie, le commerce le plus dynamique de France
Gestion de l’officine
Télédéclarez votre chiffre d’affaires avant le 30 juin