Les salariés en arrêt longue maladie acquièrent bien des congés payés pendant leur absence, selon un arrêt de la cour administrative d'appel de Versailles qui a condamné l'État pour ne pas avoir transposé correctement une législation européenne vieille de 20 ans allant dans ce sens.
Dans cet arrêt, daté du 17 juillet et rapporté par « les Échos », la cour donne raison aux syndicats CGT, Solidaires et FO qui estimaient que la France avait mal transposé une directive européenne de 2003 sur le temps de travail.
Selon le code du travail français, un salarié en arrêt longue maladie - d'origine non professionnelle - n'est en effet pas considéré comme étant en période de travail effectif, sauf dispositions plus favorables au sein de l'entreprise. Il n'a pas droit aux 2,5 jours ouvrables de congés payés acquis par mois de travail effectif chez le même employeur. Or cela s'oppose à la directive européenne de 2003 qui garantit à tous les salariés un congé payé annuel d'au moins quatre semaines.
Et selon la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne citée par la cour d'appel, la directive « fait obstacle à ce que les États membres limitent unilatéralement le droit au congé annuel payé conféré à tous les travailleurs en appliquant une condition d'ouverture de ce droit qui aurait pour effet d'exclure certains travailleurs ». En outre, elle « s'oppose à des dispositions ou à des pratiques nationales qui prévoient que le droit au congé annuel payé est subordonné à une période de travail effectif minimale pendant la période de référence ».
La cour d'appel estime que la France aurait dû transposer correctement cette directive depuis 2005 et que la Cour de cassation le lui avait rappelé dès 2013. « Un tel retard de transposition est susceptible d'engager la responsabilité de l'État en réparation du préjudice moral subi de ce fait par les salariés que représentent les organisations syndicales requérantes », en conclut la cour qui attribue 10 000 euros à chacun des trois syndicats.
Néanmoins, si l'arrêt du 17 juillet vient remettre en cause les règles applicables aux congés payés, cela ne veut pas dire qu'elles vont changer, précise le journal « Les Échos » : « D'abord, il faut préciser que la référence européenne en matière de congés payés est de quatre semaines et non cinq comme en France, et que c'est sur cette base réduite que doivent être calculés les droits des salariés en cas de congé maladie et autres en application de la directive. Ensuite, la situation n'est pas la même selon que l'employeur est public ou privé. Pour les fonctionnaires, la jurisprudence sera bien d'application directe, ce qui veut dire que le fonctionnaire pourra exiger de son employeur le respect de la directive de 2003. Pour les salariés du privé, tant que le code du travail n'aura pas été réécrit, la démarche sera plus complexe, car toute entreprise a l'obligation d'appliquer le code de travail, mais pas le droit européen qui n'est pas d'application directe. Le salarié devra donc se retourner contre l'État pour le mettre en demeure de lui verser des dommages et intérêts pour mauvaise transposition d'une directive, soit la rémunération correspondant aux jours de congé. »
Dans un communiqué, la CGT a toutefois salué le fait qu'avec cette décision, « les salariés en arrêt maladie qui ont vu leurs droits à congés payés bafoués auront le droit d'attaquer l'État pour se voir indemniser leur préjudice ». Mais « il serait plus pertinent que le gouvernement tire enfin les conséquences de cet arrêt en modifiant la loi », suggère le syndicat.
Avec l’AFP.
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