Après une période Covid plutôt faste pour leur activité, les pharmacies font face à de nombreux défis d'ordre économiques : hausse des loyers et des coûts de gestion (dont les salaires du reste de l'équipe), baisse des prix des médicaments, émergence d'une concurrence féroce (e-commerce et même grandes surfaces), stagnation des revenus… financièrement, tout n'est pas rose pour les officinaux. Près de 200 pharmacies ferment chaque année (220 en 2021), en majorité des petites officines. Mais, à en croire les témoignages des titulaires concernés recueillis par « Le Quotidien », ce ne sont pas seulement les difficultés économiques qui causent la baisse du rideau des officines.
Des causes multifactorielles
« L’augmentation des prix, et des charges, n'a pas aidé, certes, mais depuis le Covid, les patients consomment différemment et sont devenus très exigeants », témoigne Aurore Tellier, titulaire à Lille. Après un burn-out et la baisse du chiffre d'affaires de sa pharmacie (passé de 1,2 million à 865 000 euros en 5 ans), cette pharmacienne a décidé de céder son officine, actuellement en redressement judiciaire : « Les politiques des labos sont devenues très dures, les pénuries de plus en plus nombreuses, ce qui rend les patients agressifs. Au bout d'un moment, c'est ce manque de sécurité et cette impossibilité de travailler normalement qui sape notre envie de continuer, bien plus que la concurrence, le manque de salaire ou de rentabilité ». Elle compte déménager à Poitiers, et devenir adjointe dans une autre petite pharmacie. « Là-bas, les gens sont plus sereins et plus calmes ».
Victimes collatérales
D'autres pharmacies, en dépit d'une bonne gestion, finissent par fermer à cause de facteurs externes. La retraite ou le départ du médecin de la commune, qui entraîne le déplacement des patients vers un autre praticien plus éloigné - et donc, une autre officine - finit quasi inévitablement par entraîner la fermeture de la pharmacie dans les mois ou années à venir. Parfois, même la fermeture de l’épicerie du village ou le déplacement des commerces du centre-ville historique à la banlieue suffit à affecter les chiffres d'une petite pharmacie.
La retraite, première cause de disparition
Pour Françoise Lesbarrères, pharmacienne à Angoulême, et un titulaire breton - qui tient à garder l'anonymat - le problème est tout autre. Tous deux partent à la retraite, mais ne parviennent pas à trouver de repreneur. La rentabilité de leur pharmacie (avec un chiffre d'affaires de 580 000 et d'un million d'euros, respectivement) n'est pas en cause. Mais aujourd'hui, « Les jeunes ne veulent pas travailler tout seuls ou avec seulement un préparateur, ou tenir l'officine ouverte du lundi au samedi sans possibilité de prendre de vacances », témoigne Françoise Lesbarrères. « Les mœurs ont changé », constate le titulaire breton. « Désormais, les pharmaciens veulent travailler au sein d'une équipe, effectuer les nouvelles missions. Sans personnel, c'est impossible ».
Un modèle d'un autre temps ?
Un problème constaté également par Marie-Claire Cabelguenne, pharmacienne dans le Gers, qui avait dû fermer sa petite officine à cause du départ de son assistante, dont l'emploi était mutualisé par deux pharmacies. « Les remplacements sont un enfer. Il suffit qu'un ou une salariée veuille arrêter pour qu'on se retrouve à travailler seul ». Un modèle difficile à tenir pour sa pharmacie, dont le chiffre d'affaires était alors de 500 000 euros, et qui n'attire plus, faute de perspectives. « Les pharmaciens titulaires et adjoints ainsi que les préparateurs veulent progresser dans le temps. Mais une petite pharmacie, surtout en campagne, atteint rapidement un plafond de verre. On ne génère pas plus de patients, il n’y a pas de croissance, la variété des missions n'augmente pas car tout seul ou à deux, elles sont difficiles voire impossibles à effectuer. Les quelques jeunes qui s'engagent en pharmacie d'officine, habitués au travail en équipe, ne sont pas motivés pour exercer dans les petites officines de villages isolés. »
Évoluer pour survivre ?
Les ressources humaines, plus que les ressources économiques, sont ce qui manque le plus à ces petites pharmacies, qui, souvent malgré une bonne santé financière, finissent par disparaître, faute de repreneur motivé pour vivre le quotidien d'un pharmacien sans équipe. Quelles sont les solutions ? « Un système de pharmacie mère fille, avec une présence physique ponctuelle et un contrôle déporté, c’est-à-dire exercé à partir de l'autre officine, pourrait fonctionner », hasarde Marie-Claire Cabelguenne. « Mais est ce que ça satisferait les patients ? J'en doute. »
Une autre piste est la mise en place d'un cursus de gestion pendant les études. « Le métier de pharmacien n'a pas tant changé, mais être titulaire est très difficile, et les pharmaciens ne sont pas préparés à cela durant leur cursus », affirme Aurore Tellier. Un poste d'autant plus difficile pour les titulaires des petites pharmacies qui se retrouvent parfois seuls face à une myriade de tâches supplémentaires. Mais peut-être que la disparition, petit à petit, de ces petites pharmacies au profit des plus grandes, est-elle tout simplement inévitable…
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