Créées il y a une quinzaine d’années par certains groupements, les enseignes de pharmacie permettent aux adhérents de bénéficier de nombreux services : agencement des espaces de vente, conseils en merchandising, appui logistique aux opérations commerciales et promotionnelles, formations pour le titulaire et l’équipe officinale, échanges d’informations avec les autres adhérents et avec le groupe… Ces services sont offerts moyennant une cotisation annuelle et en contrepartie d’une visibilité du groupement auprès des clients par un marquage extérieur et un agencement intérieur communs.
En pratique, les pharmaciens sous enseigne peuvent également bénéficier de la puissance d’achat du réseau, et cet avantage reste essentiel aujourd’hui pour pallier la perte de rentabilité des officines ou augmenter leur compétitivité. « Pour moi, l’avantage est d’abord de pouvoir passer les commandes directement sur le portail dédié du groupement. Je suis livrée en 48 heures maximum, avec de très bonnes conditions commerciales. En plus, nous avons un listing comparatif " prix sensibles " pour l’OTC et la parapharmacie, qui évite de vérifier les prix pratiqués par ailleurs sur ces produits », explique cette pharmacienne installée dans la banlieue ouest parisienne.
Rompre l’isolement
Pour de nombreux pharmaciens, adhérer à une enseigne, c’est aussi rompre l’isolement professionnel et bénéficier de la force d’un réseau. « Le groupement et l’enseigne sont l’avenir des pharmacies : il n’est plus possible de rester isolé, sans pouvoir de négociation commerciale vis-à-vis des laboratoires, souligne ce titulaire. Le réseau nous permet aussi d’avoir une uniformisation de certains process, comme les commandes et les livraisons, et de bénéficier d’une dynamique de marketing et de merchandising proposée directement par le groupe. Par exemple, 90 % des promotions sont proposées et installées par l’enseigne. C’est un confort très appréciable. »
Sur le plan de l’information et de la communication, les enseignes organisent également des séminaires pour donner aux titulaires les grands axes de la communication à venir, notamment en matière commerciale. Les adhérents peuvent ainsi échanger avec les autres membres du réseau. Il y aussi des formations organisées pour le personnel sur les techniques de vente, le merchandising, etc.
La majorité des enseignes gèrent également la mise en place de la vente en ligne afin de répondre à la demande des e-patients, ce que beaucoup de pharmaciens isolés ne feraient pas eux-mêmes. Enfin, pour aller plus loin encore dans le rapprochement entre les adhérents et entre les adhérents et le groupe, certains groupements ont aussi mis en place un Intranet pour assurer un contact régulier entre adhérents et renforcer le sentiment de communauté.
Respecter les conditions
Toutefois, adhérer à une enseigne lorsqu’on reprend une pharmacie, c’est aussi s’engager à respecter les règles imposées par le groupement en termes d’agencement et de PLV, de politique promotionnelle, et même d’achats. « C’est vrai que le groupement a ses propres produits imposés, notamment en diététique. Et en parapharmacie et en produits conseil, il y a des gammes exclusives. Le but est de fidéliser la clientèle avec des produits qu’on ne trouve que dans les pharmacies de l’enseigne », note cette autre titulaire installée près de Paris.
Mais par rapport au groupement, la « marque » de l’enseigne est surtout son identité visuelle. Dans certains cas, il s’agit simplement d’apposer les identifiants à l’intérieur et à l’extérieur de la pharmacie et de bâtir l’agencement selon les règles prévues. Mais cette identification peut parfois être très poussée, avec un affichage clair du concept de l’enseigne, par exemple dans le cas des réseaux low cost, qui ont une identité visuelle très forte.
Dans tous les cas, les travaux sont réalisés par l’agenceur de l’enseigne, soit après la reprise de l’officine, soit même au moment de cette reprise. L’enseigne peut aussi aider le pharmacien à trouver une officine à reprendre, et ensuite venir encadrer l’ensemble des formalités de la transaction. Dans ce cas, tous les aspects juridiques de l’opération sont traités par un avocat ou un conseil du groupe. Certains groupements peuvent imposer, ensuite, le choix des partenaires juridiques du pharmacien adhérent.
Quelle enseigne choisir ?
Il faut distinguer entre le groupement et l’enseigne qui le porte : l’enseigne n’est pas obligatoire lorsqu’on adhère à un groupement, et elle n’est pas imposée aux pharmaciens lors de leur adhésion. Avant d’opter pour une enseigne, il faut donc choisir le groupement. Pour Philippe Becker, directeur du département pharmacie de Fiducial, il en existe deux types différents : « D’abord ceux qui sont sélectifs à l’entrée et qui sont donc typés. Ici, les pharmacies adhérentes ont en général un gros chiffre d’affaires. Et il y a aussi les groupements qui ne font pas ou très peu de sélection à l’entrée et qui rassemblent donc tous les types de pharmacies. Avant d’adhérer à un groupement/enseigne ou de racheter une pharmacie sous enseigne, il faut savoir de quel type il s’agit. Si l’officine appartient à un groupement non typé, elle n’est pas forcément plus performante que les autres », poursuit Philippe Becker.
Certaines enseignes sont par ailleurs nationales, et d’autres locales. Or, pour être reconnue comme telle auprès des clients, une enseigne doit en principe refléter une identité sinon nationale, au moins régionale, Mais très peu de groupements ont cette représentativité. Pour s’installer et exercer sous enseigne, mieux vaut donc au moins s’adosser à un groupement suffisamment fort.
Enfin, plusieurs enseignes sont spécialisées. Certaines, par exemple, misent sur la parapharmacie, d’autres regroupent des officines d’une certaine taille, et d’autres encore sont basées sur le low cost. Le choix de l’enseigne dépend donc aussi de ces « spécialisations » et de l’emplacement de la pharmacie (zone rurale, centre-ville ou centre commercial, notamment).
Il faut toutefois relativiser ces critères. En termes d’avantages commerciaux, les différences entre les enseignes se font principalement sur les prix non réglementés, mais ces différenciations sont finalement assez faibles dans la mesure où 80 % du chiffre d’affaires d’une officine est réalisé sur les médicaments à prix réglementés…
Vérifier le contrat
Le contrat d’enseigne est conclu pour une durée variant de un à trois ans en moyenne. C’est un contrat « intuitu personae » : il ne vaut qu’avec le titulaire qui l’a signé. Par conséquent, lorsqu’un pharmacien acquiert une pharmacie déjà sous enseigne, le contrat ne se poursuit pas automatiquement avec cet acquéreur. Il lui est possible de ne pas reprendre le contrat à son compte ou de changer d’enseigne.
Mais, bien entendu, un pharmacien qui ne reprend pas à son compte l’adhésion à l’enseigne et au groupement ne bénéficie plus de la politique de prix ou des actions promotionnelles ou de formation du personnel de son prédécesseur. En outre, il doit retirer tous les identifiants et les signes distinctifs de l’enseigne. Pour l’informatique, en revanche, les contrats de maintenance peuvent être maintenus avec le nouveau titulaire. De même les agencements intérieurs, dont les éléments d’identification ne sont en principe qu’ajoutés par les agenceurs, peuvent être repris par le nouveau titulaire.
Attention par ailleurs : la vente d’une pharmacie liée à un groupement ou à une enseigne n’est pas toujours totalement libre. Le contrat peut prévoir un droit de préemption de l’officine au profit des autres adhérents au groupement. En clair, en cas de projet de cession de l’officine, celle-ci devra d’abord être proposée aux autres membres du groupement. Ce cas de figure semble toutefois exceptionnel.
Dernier conseil enfin : avant d’adhérer à un groupement et à une enseigne, il peut être prudent de prendre du temps pour connaître la pharmacie que l’on rachète, identifier les besoins de la clientèle, connaître les gammes et les remises possibles… Mais attention : il faudra alors réagencer l’officine plus tard pour la mettre en conformité avec l’enseigne, modifier les gammes sur le conseil et la parapharmacie, d’où un surcoût financier…
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