UN GRAND pas en avant a été franchi. Il sera en effet bientôt possible de remplir un des objectifs essentiels de la loi HPST, assurer une meilleure coordination du parcours de soins du patient, puisqu’enfin une solution a été trouvée pour que les échanges entre professionnels de santé se fassent en toute sécurité. Bien sûr, ils peuvent déjà entrer en contact de manière tout à fait classique par le biais de mails ou de SMS, mais on est dans le domaine des données de santé, et la question de la sécurité des échanges se pose avec acuité, notamment dès lors qu’il y a transmission de documents. Le risque étant de voir les données des patients reprises par des entreprises qui les utilisent à des fins marketing. Un accord a donc été trouvé entre l’ASIP Santé et sept ordres nationaux des professionnels de santé, dont celui des pharmaciens, après plusieurs années de concertation. Des groupes de travail rassemblent depuis 2012 toutes les parties concernées. Après avoir expérimenté le système proposé, elles vont participer au déploiement des messageries sécurisées MS Santé dès cette année. « La difficulté n’était pas technologique, elle était d’intégrer la dimension interprofessionnelle de ce projet de telle sorte que l’ensemble des praticiens de santé puissent assurer une coordination des soins au plus près des patients », explique Vladimir Vilter, en charge du déploiement de MS Santé à l’ASIP. Toutes les parties voulaient que les choses soient le plus simples possible, aussi simples que les messages qu’on envoie à tout un chacun aujourd’hui, la sécurité en plus.
Dénominateur commun.
Une simplicité voulue d’emblée par les différentes parties concernées, qui ont commencé par faire en sorte que le cadre juridique soit le plus clair possible. Le comité de MS Santé a travaillé avec la CNIL et il a été décidé d’utiliser au mieux les textes réglementaires existant sans y ajouter quoi que ce soit. Résultat, un simple engagement de conformité est demandé. Mais ce souci de simplicité sur la partie technique s’est heurté à la relative complexité de l’informatique officinale. Le choix de l’authentification pour utiliser ces messageries sécurisées s’est fait sur le dénominateur commun de tous ces professionnels, la carte CPS (voir détails dans l’encadré ci contre). Un choix sans doute logique. Mais si on peut demander à des médecins ou des auxiliaires médicaux d’utiliser leur carte CPS pour s’authentifier avant d’envoyer un message à un professionnel, sans que cela ne leur pose de problème, il en va autrement dans les officines. « La carte CPS est, dans l’officine, liée à beaucoup de fonctionnalités », explique ainsi Emmanuel Fretti, directeur général d’Isipharm et Vice président de la Feima (Fédération des Éditeurs d’informatique Médicale), « son usage pour sécuriser l’envoi de chaque message peut potentiellement bloquer le bon fonctionnement de l’officine ». Par ailleurs, les éditeurs pourraient être contraints de développer autant d’interfaces qu’il y a de solutions. La Feima a d’ailleurs publié un communiqué en mai dernier sur les risques que faisait peser l’application MS Santé en matière d’interopérabilité. Cela signifie beaucoup de développement, un alourdissement des process et par conséquent un surcoût pour les utilisateurs. Si bien que l’on aboutit aujourd’hui à une situation bien étrange, où les déploiements des messageries de santé ont déjà commencé et sont déjà effectifs auprès de plusieurs professions, tandis que tout est en suspens pour les pharmaciens, dans l’attente que l’ASIP Santé et la Feima trouvent un accord.
Plusieurs pistes envisagées.
Ce « retard », si l’on doit parler de retard, s’explique en partie par le fait que les éditeurs de LGO avaient durant les derniers mois de l’année dernière une charge de travail énorme face à l’échéance du 1er janvier dernier et l’adaptation de leurs logiciels aux nouvelles règles de rémunération. Mais le débat de fond lié aux messageries sécurisées reste un sujet sensible et explique aussi ce délai supplémentaire avant que les pharmaciens puissent à leur tour utiliser MS Santé. Les différentes parties assurent vouloir trouver une solution dans un avenir proche. « Plusieurs pistes sont explorées », explique ainsi Francis Mambrini, président de la Feima. L’une d’entre elles serait un certificat électronique d’une durée précise pour un usage ciblé dans le temps. Une autre serait de « positionner l’officine un peu comme un établissement hospitalier en la dotant d’un statut d’opérateur », explique Francis Mambrini. L’objectif serait de faire en sorte que les officines disposent de l’infrastructure logicielle adéquate qui filtrerait et surveillerait les échanges avec l’extérieur, un « proxy » de messagerie.
Ce statut d’opérateur permettrait de respecter les contraintes liées à l’hébergement des données de santé. Mais autant il est facile de faire en sorte que les établissements hospitaliers puissent disposer de telles infrastructures – ils gèrent parfois jusqu’à plusieurs milliers de salariés – autant cette solution peut paraître un peu démesurée par rapport aux officines. Il n’empêche, cela permettrait de lever la contrainte de la carte CPS, il faut juste trouver une solution adéquate à la taille des officines. En tout état de cause, la Feima espère un accord avec l’ASIP le plus rapidement possible, même s’il est difficile pour l’instant d’envisager une date précise. Signalons que les pharmaciens ne sont pas les seuls professionnels de santé à être laissés de côté, l’ASIP Santé travaille également à l’intégration des laboratoires d’examens médicaux qui disposent de normes d’échanges particulières.
Faciliter le parcours de soin.
Cette situation a d’autres conséquences. Les éditeurs de LGO sont très motivés a priori par l’ouverture des perspectives qu’offrent ces messageries sécurisées pour proposer des solutions nouvelles : celles-ci permettraient d’aider les pharmaciens à mieux s’intégrer dans le parcours de soins des patients. Mais de fait, ils se trouvent quelque peu bloqués dans leurs développements. Et préfèrent ne pas commenter le sujet, tant qu’une solution ne sera pas trouvée. Cela n’empêche pas Emmanuel Fretti d’évoquer l’actuelle expérimentation en cours entre établissements hospitaliers et officines de ville. « Faciliter le parcours de soin, c’est aussi faire en sorte que les patients puissent sortir le plus tôt possible des hôpitaux, ce qui nécessite pour eux de préparer cette sortie et la médicalisation à domicile avec les pharmaciens par le biais d’échanges sécurisés », explique-t-il.
Selon les résultats de cette phase pilote, l’éditeur pourrait généraliser l’organisation de ces échanges à l’ensemble de ses clients. Pharmagest s’intéresse également de près à ces messageries sécurisées. L’éditeur a lancé en effet son application de suivi client, et se pose la question de savoir comment imbriquer cette application et le futur système d’authentification des pharmaciens pour pouvoir échanger avec d’autres professionnels de santé. Certes, les pharmaciens n’ont pas forcément besoin d’une harmonie parfaite entre leur LGO et le système d’échange MS Santé. Jérôme Lapray, responsable marketing de Pharmagest, estime cependant qu’il sera nécessaire de structurer les échanges et les documents de telle sorte que le pharmacien puisse disposer d’un dossier patient et communiquer avec d’autres professionnels de santé sans avoir à sortir du LGO et sans avoir à chercher des messages éparpillés ici ou là. Une question de cohérence qui espère-t-il sera résolue petit à petit.
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