COMMENT le merchandising, c’est-à-dire l’agencement des produits dans l’espace de vente, peut-il influer sur la trésorerie ? Telle est la problématique que nous allons tenter de résoudre.
Il convient avant tout de considérer que tous les produits de l’officine constituent un stock. Que celui-ci immobilise de l’argent et constitue donc de la trésorerie non disponible.
Bien évidemment détenir ces produits est indispensable et nécessaire pour assurer la permanence de la vente. Il est primordial de pouvoir satisfaire la demande des clients, surtout en matière de prescriptions médicales. Cependant, bien souvent, on constate que le stock des produits présentés dans la surface de vente (médication officinale et parapharmacie) peut être optimisé, confirmant ainsi l’adage selon lequel « trop de stock tue le stock ».
Le principe de base est le suivant : considérons un produit acheté à un instant « T » et qui doit être payé au fournisseur dans un délai de 60 jours.
- Si le produit est vendu dans les 60 jours après son achat : l’argent engrangé constitue la trésorerie et pourra être réinvesti dans des activités productives et lucratives : le produit « rapporte ».
- Si au contraire le produit n’est pas vendu dans les 60 jours, le fournisseur devra quand même être payé, il faudra donc « emprunter » l’argent nécessaire au paiement et donc en payer les intérêts : le produit « coûte » au lieu de rapporter.
Les effets pervers de la LME.
La LME (Loi de Modernisation de l’Économie), initialement créée dans le but de diminuer les inégalités entre la grande distribution et ses fournisseurs par l’encadrement des conditions commerciales, voit ici son « effet pervers » s’appliquer dans l’univers pharmaceutique. En raccourcissant les délais de paiement, elle contraint les officines à apporter une attention particulière aux stocks des produits.
Le coefficient de rotation est le nombre de fois que le stock est renouvelé chaque année. Il va donc falloir étudier de près les rotations des produits de la pharmacie pour les optimiser en privilégiant les gammes et les produits qui « tournent », c’est-à-dire dont la demande client et donc les ventes permettent d’avoir un stock qui se renouvelle rapidement, ce qui engendre de la trésorerie.
Aujourd’hui, la rotation moyenne des produits sur ordonnance se situe entre 16 et 18 jours, celle des produits de médication officinale entre 90 et 135 jours, et enfin celui des produits de parapharmacie entre 180 et 280 jours*. Bien sûr, il est préférable de se situer dans la fourchette basse que dans le haut de l’intervalle.
Prenons l’exemple de la médication officinale pour illustrer l’impact des rotations de stocks sur la trésorerie :
On considère que la médication officinale (TVA 5,5 %) représente environ 16 % du chiffre d’affaires (CA) moyen d’une officine (14 % pour les produits de parapharmacie et 70 % pour les médicaments prescrits)**, avec une marge brute d’environ 33 %***.
Sur 1 000 euros de CA réalisé dans l’espace atteignable par le client (c’est-à-dire hors médicaments sur ordonnance) par l’officine, on réalise donc 530 euros TTC de CA en médication officinale, soit, si l’on retire la TVA et si l’on extrait la marge brute : 166 euros de marge.
Prenons maintenant l’exemple d’une officine qui fait passer sa rotation moyenne de 135 jours à 90 jours. Elle fait donc passer son coefficient de 2,70 (365 jours/135 jours) à 4,06 (365 jours/90 jours). Le stock « tourne » donc 1,5 fois plus vite, générant à chaque tranche de 1 000 euros de CA officinal, 1,5 fois plus de trésorerie. La marge passe de 166 euros à 166 x 1,5 = 249 euros. On réalise donc approximativement un gain en marge de 83 euros par tranche de 1 000 euros de CA réalisés hors ordonnance.
Si l’on considère une pharmacie réalisant 1 million d’euros de CA, cela fait donc 83 000 euros supplémentaires de disponibles pour la trésorerie de l’officine. Cela ne vaut-il pas la peine de prendre quelques heures pour étudier la qualité de ses stocks et rationaliser ses assortiments ?
Les bonnes questions.
Les actions concrètes se situent dans l’étude approfondie des stocks de l’officine pour chaque type de produit (avec ou sans ordonnance, parapharmacie), voire gamme après gamme : posez-vous les questions suivantes :
- Quel est mon coefficient de stock sur ces produits ?
- Est-il justifié : est-il conforme aux coefficients des autres produits de cette famille, correspond-il ou dépasse-t-il mon besoin (c’est-à-dire la demande de mes clients + le stock de sécurité + le stock correspondant aux délais de livraison) ?
- Quelle est la demande sur ces produits ? Sont-ils incontournables ? Correspondent-ils à une demande spécifique ? Pourquoi ai-je acheté ces produits ?
- Puis-je diminuer le stock sans nuire à ma capacité à répondre à la demande ?
Les actions qui découlent des réponses à ces questions se situent dans la politique d’achat, ainsi que dans l’étude et l’écoute des demandes de vos patients consommateurs. Autrement dit, privilégiez les gammes et produits qui se vendent le plus (et qui correspondent donc à une réelle demande clients).
Les tops des ventes des produits sont disponibles grâce à de nombreuses sources : utilisez vos logiciels internes, les groupements, les laboratoires par l’intermédiaire des délégués pharmaceutiques, la presse, etc.… Au-delà de ces « incontournables », ayez votre propre conseil, des gammes différenciantes et rentables.
Raisonner en « masse de marge ».
L’erreur la plus fréquente, lors des achats, est de raisonner en pourcentage de marge au lieu de réfléchir en « masse de marge », c’est-à-dire de considérer un produit comme étant intéressant dès qu’il dépasse un certain pourcentage de remise, au lieu de calculer très concrètement combien il peut rapporter en euros.
Un exemple :
- 600 produits vendus à 2 euros Prix de Vente TTC, avec 40 % de marge, génèrent 480 euros de marge
- 600 produits vendus à 5 euros PV TTC à 20 % de marge génèrent 600 euros de marge.
Autrement dit, il est inutile d’acheter des produits dont la remise est spectaculaire si c’est pour que ces produits « dorment » dans les rayons : si la demande n’est pas là, vous aurez beau proposer votre produit à des prix défiant toute concurrence, vous n’aurez pas de vente, et donc, pas de trésorerie !
N’oublions pas que ces produits dormants dans les rayons, outre le fait de nuire à la trésorerie, prennent aussi la place d’autres produits car, en multipliant le nombre de références en linéaire, le facing accordé à chacune d’entre elles s’en trouve diminué. Conséquence immédiate sur les ventes : même les bons produits sont moins bien vus par les clients, qui ne pensent donc pas à les acheter.
Des rayons clairs et optimisés facilitent l’acte d’achat pour le client, et la diminution du nombre de référence facilite la gestion de la trésorerie : que d’avantages, donc !
Ces quelques conseils ne permettent évidemment pas de sauver une officine dotée d’une trésorerie dramatiquement mauvaise, mais, combinés à d’autres leviers de rentabilité, peuvent aider à optimiser la trésorerie de l’officine : toutes les économies sont bonnes à prendre.
C’est la combinaison gagnante des 5B du merchandising : les Bons produits, au Bon moment, au Bon endroit, en Bonne quantité et au Bon prix.
* Argos Consulting, dirigé par Michel Kindig, est une agence conseil spécialisée dans l’optimisation des espaces de ventes. Sa vocation est notamment la conception d’approches merchandising innovantes, l’élaboration de stratégie de prix et le déploiement de formations spécifiques et adaptées. Argos Consulting exerce son expertise dans tous les types de distribution (GMS, GSS et réseaux spécialisés). Plus de 3 000 stagiaires sont formés chaque année par le cabinet.
Dans la mesure de leurs disponibilités, les spécialistes de Argos Consulting répondront à vos questions au : 01 39 30 55 22 ou par mail : info@argos-fr
*Le Quotidien du Pharmacien du 29/10/2010
**Source AFIPA
***Source KPMG dans le Quotidien du Pharmacien du 31/03/2011
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