Quand on demande à Yann Jondot quelle pharmacie répond, selon lui, à de bonnes normes d'accessibilité, le maire de Langoëlan cite aussitôt celle de Stéphane et Karine Bondoux, dans la commune voisine de Cléguerec (Morbihan). Yann Jondot a été nommé ambassadeur national de l'accessibilité pour les personnes handicapées, en 2018, par Sophie Cluzel, secrétaire d'État chargée des personnes handicapées. Le maire breton, lui-même paraplégique et en fauteuil, porte très haut la question de l'accessibilité : jusqu'au sommet du Kilimandjaro, à 5 895 m, en Tanzanie, où il s'est fait porter après cinq jours d'ascension, en 2017, pour clamer ses convictions.
« L'accessibilité, c'est cela, affirme-t-il, en tournant dans tous sens dans l'officine des Bondoux : ne pas utiliser toute la surface intérieure pour le commerce, mais laisser de l'espace pour que les clients choisissent eux-mêmes. L'accessibilité n'est pas non plus seulement la structure interne de la pharmacie, mais aussi sa situation parmi la population. Ici, on est en centre bourg, face à la maison de santé. »
La pharmacie précédente n'offrait que 40 m2. Stéphane et Karine Bondoux ont transféré, en janvier 2017, dans un nouveau bâtiment, 200 m2 de surface de vente, 200 m2 pour l'arrière. « Cléguerec compte 3 000 habitants, et une offre médicale complète dans un pôle médical. L'agence de santé (ARS) a bien vu notre projet de transfert. Avec l'architecte, nous avions opté pour de l'espace, et tout de plain-pied. »
Un ERP adapté attire 30 % de clientèle en plus
Suivre les normes d'accessibilité n'est pas toujours sans problème. Le guichet pour délivrer lors des gardes, par exemple, a été abaissé pour être accessible de l'extérieur par une personne en fauteuil. De ce fait, c'est au pharmacien de se baisser pour servir. Le pharmacien n'a pas non plus encore trouvé de caisse affichant le prix à son verso, pour les malentendants. Comme on en trouve dans les supermarchés.
« Mon rôle d'ambassadeur, reprend Yann Jondot, est de rappeler qu'une pharmacie, comme tout commerce, est un établissement recevant du public, un ERP, qui a l'obligation d'être accessible à tous les publics. La pharmacie de Stéphane Bondoux ne répond pas à toutes les conditions de la loi de 2005, qui était ambitieuse et peu applicable, mais tous les choix qui ont été faits sont les bons. M. Bondoux a perdu des mètres carrés, mais ils ne représentent pas un surcoût. Il y a en France douze millions de personnes en situation de handicap, dont 80 % de handicaps peu visibles. La réponse de M. Bondoux est une réponse économique, puisqu'il a été établi qu'un ERP adapté attire 30 % de clientèle en plus. »
Les limites de la loi de 2005
Ce serait une erreur pour un chef d'entreprise de négliger la clientèle des handicapés, affirme le maire ambassadeur. Il reconnaît que la loi de 2005, d'ailleurs peu appliquée, a aussi montré ses limites, par rapport au patrimoine par exemple. « Est-ce qu'on doit suivre une loi quand ce n'est pas possible ? » Il y a plus important, estime-t-il, que l'accès aux gondoles repérables par la canne d'un aveugle !
« Investir dans l'accessibilité va devenir créateur d'emplois, affirme Yann Jondot. L'investissement de Stéphane Bondoux ne sera pas une erreur, il sera pertinent parce que la densité de la population concernée va augmenter. » Et l'ambassadeur, également maire d'une petite ville rurale, de rappeler la nécessité de l'humain, l'importance de diminuer les distances, du bien vivre ensemble... Il vise un programme européen en faveur de l'accessibilité.
Quant à eux, Stéphane et Karine Bondoux ne regrettent pas leur choix. Ils ont ainsi vu « du jour au lendemain » venir à la pharmacie des mamans avec poussette. Parce que l'accès est pratique et que la pharmacie est restée en centre bourg.
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