LE SCANNER est devenu un passage obligé pour les pharmacies depuis que la Sécurité sociale exige la numérisation des ordonnances. Cela ne signifie pas que le marché des scanners en officine n’existait pas avant. « Nous disposons d’une offre scanners depuis six ans déjà » révèle Fabrice Radet, responsable technique groupe de Pharmagest. Mais les exigences de l’Assurance-maladie lui ont donné une ampleur qui s’est ajustée à la taille du marché des officines françaises. Plus d’un an après l’obligation de numérisation, le taux d’équipement oscille entre 80 et 85 % selon différents acteurs du marché de l’informatique officinale. Ces exigences l’ont surtout « normé » car l’Assurance-maladie a imposé un cahier des charges très précis aux fabricants et aux distributeurs de scanners. Et ces exigences n’ont pas été les seuls moteurs car les pharmaciens avaient, et ont eux aussi, deux besoins auxquels il a fallu répondre impérativement : la rapidité et le faible encombrement.
Exit les scanners grand public.
Scanner au comptoir signifie d’emblée qu’on ne peut avoir des produits lents. Exit donc tous les scanners dits « grand public » que l’on trouve dans de nombreuses enseignes, en gros les scanners à plat, beaucoup trop lents. Pour Franck Laugère, directeur général de CEPI Pharmavitale, il faut en moyenne deux à cinq secondes pour numériser un document, dix, c’est bien trop long. C’est pour cette raison que la plupart des fournisseurs proposent des produits capables de scanner 15 pages par minute (ppm). Si bien que les scanners proposés démarrent souvent à ce seuil pour aller ensuite jusqu’à 20, voire 25 ppm pour les produits haut-de-gamme. Encore que les différents acteurs du marché ne s’entendent pas forcément sur ces chiffres. Pour Olivier Zuntini, responsable intégration d’Alliadis, « les fabricants avancent des chiffres qui n’ont pas les mêmes références, or il faut tenir compte de la résolution, de la couleur et dans ce contexte, un chiffre annoncé peut être donné à 150 dpi couleurs ou 200 dpi noir et blanc. » Alliadis propose des scanners entrée de gamme à 7 ppm.
Pour les fabricants, cette contrainte de rapidité, facile à satisfaire compte tenu des performances technologiques actuelles, se heurtait néanmoins à celle des normes des documents numérisés inscrites dans le cahier des charges de l’Assurance-maladie. Celle-ci demande « des documents en noir et blanc, avec une qualité respectant une taille relativement peu importante » explique Fabrice Radet. « Or il n’y a pas de format d’ordonnance unique, aussi bien la taille du document, son grammage, le fait qu’il soit dactylographié ou manuscrit, tout cela rend la tâche un peu plus complexe. » Quant au « poids » du document, il ne doit pas excéder 250 Ko (en fait, l’ensemble des documents liés à l’ordonnance demandés par la sécurité sociale). Des scanners rapides pour des documents très bien numérisés et légers, voilà l’exigence de ce marché.
Une présentation en « U ».
L’autre grande contrainte spécifique à la pharmacie est de disposer de produits qui prennent le moins de place possible au comptoir, compte tenu à la fois de l’exiguïté et de l’encombrement fréquent de ce dernier. Cela s’exprime d’abord par la taille du scanner, et de fait, les produits sous formes de « barrettes » feuille à feuille se sont généralisés en officine, mais cela se traduit aussi par la problématique liée à la présentation du document à numériser devant le scanner, et sa sortie. « Le principal inconvénient des scanners de comptoirs est la présentation horizontale de la feuille » souligne ainsi Ghislain Vanlaer, gérant de la société Medprice. Une telle présentation signifie qu’en réalité le scanner occupe une surface équivalente à celle d’une feuille A4. Beaucoup trop pour certains. Il existe bien au moins un scanner sur le marché, le Canon DR C125 qui permet une présentation et une sortie à la verticale (en « U »), vendu notamment par CEPI Pharmavitale qui note cependant que les officines lui préfèrent des produits plus petits et moins chers. D’une manière générale, les produits à faible encombrement sont plébiscités par les pharmaciens selon les éditeurs.
Ces deux contraintes, rapidité et faible encombrement, ne font pas bon ménage, selon Olivier Zuntini : « les modèles les plus rapides sont encombrants tandis que ceux qui prennent le moins de place sont les moins rapides. »
Une quadrature du cercle non encore résolue et qui conduit les éditeurs à commercialiser au moins deux références, parfois plus. C’est sans doute là que les progrès sont les plus attendus sur ce marché des scanners. Mais il y en a d’autres, ainsi que l’espère Fabrice Radet. « On attend toujours plus rapide et plus facile, notamment dans la manipulation. » Il faut en effet tenir la feuille à deux mains avant de l’introduire dans le scanner, pourquoi ne pas imaginer qu’un jour on puisse tout simplement la « jeter » dans la machine, celle-ci assumant toutes les manipulations nécessaires.
Des modules de pilotage pour l’officine.
Des progrès qui ne vont pas être faits pour la pharmacie spécifiquement : les lignes de production sont telles qu’il est difficile pour les fabricants de cibler tel ou tel marché avec des scanners qui seraient spécialement conçus pour eux. Néanmoins, le marché de la pharmacie est similaire à d’autres, l’archivage électronique selon Fabrice Radet, ou les banques et assurances selon Olivier Zuntini. Cela étant, cela n’empêche pas les fabricants de développer des modules de pilotage spécifiques à la demande des éditeurs, c’est ce qu’a fait Alliadis, vis-à-vis de son partenaire Fujitsu. Comme par exemple le fait de redresser l’image quand le papier est un peu de biais, ce qui arrive souvent avec notamment les petits formats d’ordonnance. Il est possible également de trouver des scanners capables de numériser des documents vraiment différents, comme par exemple des cartes mutuelles, lesquelles ont parfois des formes de cartes de crédit plastifiées. De petites astuces permettent de les scanner sans les abîmer ni abîmer la machine elle-même.
Il existe une poignée de grands constructeurs, qui outre Fujitsu, Canon, Plustek ou Brother œuvrent sur ce marché des scanners. La plupart des éditeurs travaillent avec un partenaire privilégié, Fujitsu pour Alliadis et ASP Line (qui appartient au groupe Cégédim depuis quelques mois au même titre qu’Alliadis), Canon pour CEPI Pharmavitale. Isipharm lui travaille avec deux fabricants, Plustek et Canon. Le distributeur indépendant Medprice a référencé un nombre plus important d’acteurs et de modèles, pour un marché avant tout de renouvellement.
« Des officines s’adressent parfois à nous pour leur premier équipement, mais la majeure partie du temps, elles confient la tâche à leur éditeur de LGO afin de paramétrer correctement les scanners, qui sont des produits un peu plus techniques que d’ordinaire justement à cause du pilotage par le biais du logiciel » explique Ghislain Vanlaer. Ce paramétrage est diversement commenté par les éditeurs en question. « Nous pouvons le faire à distance mais les pharmaciens nous demandent souvent d’être présents » souligne Franck Laugère. Du côté d’Alliadis, Olivier Zuntini remarque que « les scanners sont des appareils intelligents, il n’y a pas beaucoup de paramétrage à effectuer, mais en revanche, le paramétrage se fait au niveau de l’application elle-même qui s’insère dans un process métier très précis, celui de la numérisation des ordonnances. » De ce point de vue, qui dépasse le sujet des scanners stricto sensu, les éditeurs se préparent à l’étape suivante qui consistera à la dématérialisation totale du document, à l’image de CEPI Pharmavitale ou Pharmagest qui ont obtenu l’agrément SCOR. On n’en est pas encore là, pour l’instant, les documents numérisés sont envoyés à la Sécurité Sociale par le biais de CD-ROM.
La question de l’usure.
Quant à la maintenance, elle est quasiment inexistante selon Ghislain Vanlaer, « les produits sont d’une très grande fiabilité ». Pour David Derisbourg, responsable marketing Leo chez Isipharm, il faut tenir compte de la relative jeunesse de ce marché, les officines ont commencé de s’équiper massivement il y a deux ans, deux ans et demi environ. « Nous n’avons pas assez de recul pour juger de l’usure des produits » commente-t-il. Leur très grande utilisation pourrait les faire vieillir assez vite. « Les garanties en volumes de feuilles ne permettent pas de juger de l’usure car les critères de garantie diffèrent d’un fabricant à l’autre. » Actuellement, seuls les entraînements de roulettes plastiques présentent parfois des faiblesses, qu’il faut parfois remplacer. Cette question de l’usure n’est pas anodine, elle permet de juger du bien fondé d’un prix proposé. Les prix publics tournent en moyenne entre 200 et jusqu’à plus de 300 euros environ pour les scanners de type « barrette ».
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