« Le pipeline n'est plus à sec », s'enthousiasme le Pr Michel Wolff, professeur des universités de Paris, praticien hospitalier et chef de service de réanimation médicale et des maladies infectieuses à l'hôpital Bichat-Claude Bernard jusqu'en 2014. Car « l’arrivée d’un nouvel antibiotique pour traiter les infections graves à bacilles à Gram négatif est un événement en cette longue période de disette. » Une gageure, puisque les antibiotiques qui arrivent sur le marché aujourd'hui sont ceux pour lesquels la recherche a commencé il y a une quinzaine d'années, une époque où le combat était entièrement tourné contre le SARM ou le staphylocoque doré résistant à la méticilline et contre les entérocoques résistants à la vancomycine. Rien ne présageait alors la future pénurie d'antibiotiques pour les infections à bacilles à Gram négatif. « Les problèmes les plus aigus concernent les bacilles à Gram négatif (BGN), entérobactéries sécrétrices de bêtalactamases à spectre élargi (EBLSE), de carbapénèmases, Pseudomonas aeruginosa « toto résistant » accumulant plusieurs mécanismes de résistance, Acinetobacterbaumannii résistants à l’imipénème (ABRI). L’arrivée de nouvelles molécules pour traiter des patients infectés par des BGN multi ou hautement résistants est donc une excellente nouvelle », explique le Pr Wolff.
La mise à disposition de Zerbaxa (ceftozolame-tazobactam) le 3 août dernier en France a donc valeur d'événement. Il associe une nouvelle céphalosporine de 3e génération à un inhibiteur connu de bêtalactamases et est indiqué dans le traitement des infections urinaires compliquées, des pyélonéphrites aiguës et des infections intra-abdominales. Cet antibiotique a obtenu un service médical rendu (SMR) important, mais une amélioration du service médical rendu (ASMR) de niveau V. La Commission de transparence indique en effet une « documentation insuffisante de l'efficacité clinique dans les infections urinaires compliquées, y compris pyélonéphrites, et dans les infections intra-abdominales compliquées sévères et/ou dues à des bactéries multirésistantes ». Elle a demandé la mise en place d'une étude de suivi pour décrire les conditions d'utilisation de Zerbaxa en vie réelle. Mais la bonne nouvelle est que cette association va permettre d'éviter l'usage des carbapénèmes, donc de les préserver pour une utilisation de dernier recours.
Cercle vicieux
« Soit nous visons les malades les plus sévères, ce serait donc un traitement probabiliste avant l'identification des bactéries et de leur sensibilité, mais c'est risqué. Soit nous orientons le Zerbaxa vers des malades présentant des facteurs de risques d'une infection à BLSE ou/et à Pseudomonas aeruginosa », souligne le Pr Wolffe. Car, comme le rappelle le Pr Jean-Ralph Zahar, professeur des universités de Paris, praticien hospitalier en hygiène hospitalière du groupe hospitalier universitaire Paris-Seine-Saint-Denis, « chez les patients admis aux urgences avec une infection à escherichia coli résistant, nous constatons une surmortalité en cas de retard thérapeutique dans les 48 heures ».
L’association ceftolozane-tazobactam reste un apport précieux. D'autant que les Laboratoires MSD mènent des essais cliniques sur son activité dans les pneumonies nosocomiales. « MSD est engagé de longue date dans l'antibiothérapie et nous avons un pipeline très riche avec une quinzaine de molécules en phase II ou en phase III d'essais cliniques, en virologie et dans les infections bactériennes », précise le Dr Dominique Blazy, directeur médical France du laboratoire. Le groupe a d'ailleurs lancé un autre antibiotique en début d'année, Sivextro (tedizolide), indiqué dans les infections bactériennes aiguës de la peau et des tissus mous.
Toute la problématique de santé publique actuelle repose sur le phénomène en constante progression de la résistance aux antibiotiques. En France, 10 % des bactériémies communautaires à entérobactéries sont résistantes aux céphalosporines de 3e génération. La prévalence de la résistance pour escherichia coli est passée de moins de 5 % en 2012 à près de 10 % en 2014. Problèmes : il est très facile d'acquérir la bactérie résistante et son mécanisme de résistance, qui se trouve dans des souches dont on est tous porteurs. De plus, l'hygiène hospitalière est encore insuffisante malgré les efforts menés ces vingt dernières années, l'hygiène extra-hospitalière n'est pas contrôlée, et la prescription d'antibiotiques en ville reste forte en France et dans toute l'Europe du Sud. Surtout, « nous vivons dans un monde ouvert et d'échange. En Asie du sud-est, environ 70 % de la population est porteur d'e. coli résistant aux céphalosporines de 3e génération. Au Moyen-Orient, c'est 30 % de la population. Ces réservoirs de résistance importants impactent nos pays », remarque le Pr Zahar. Le cercle vicieux de la résistance se met alors en mouvement : plus il y a de patients porteurs de mécanismes de résistance, plus le risque de transmission est important, plus le réservoir augmente et l'épidémiologie nécessite des choix thérapeutiques. Mais dans les faits, face à une augmentation de la résistance, « les cliniciens inquiets surprescrivent des antibiotiques à large spectre et participent à amplifier le phénomène ». Avec pour conséquence un risque anxiogène : l'émergence de mécanismes de résistance à tous les antibiotiques.
D'après une conférence de presse des Laboratoires MSD.
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