« NOUS ALLONS donner un référentiel temporaire d’utilisation qui va permettre à plus de patients et surtout à plus d’acteurs d’utiliser ce produit dans des conditions de qualité et de sécurité », a déclaré le Pr Dominique Maraninchi. Et de préciser sous les applaudissements nourris de la salle : « Il n’y aura pas de restriction des prescripteurs ». L’annonce – la RTU doit encore être examinée en commission fin juin - début juillet – était attendue par tous les médecins prescripteurs, en majorité des généralistes, et les patients qui depuis plusieurs années militent pour l’utilisation du baclofène. Selon les données de l’assurance-maladie, près de 7 000 généralistes ont initié un traitement par le baclofène (premier remboursement) en 2012 pour une dépendance à l’alcool et ils sont plus de 16 000 à le prescrire dans cette indication.
Les remboursements de baclofène sont en augmentation depuis la publication en 2008 du livre d’Olivier Ameisen, « le dernier verre », de 7% cette année-là – jusque-là les prescriptions étaient stables de l’ordre de 67 000 patients par an. En 2012, le nombre de malades a doublé (118 000). Face à cette explosion des ventes, un encadrement des prescriptions devenait nécessaire.
Une nouvelle voie.
D’où la proposition de recommandations temporaires d’utilisation (RTU), un dispositif prévu par la loi du 29 décembre 2011 relative au renforcement de la sécurité sanitaire du médicament et des produits de santé. « Cet accès à l’innovation est une expérience majeure en France et unique au monde et je suis fier que cela puise se faire dans ce contexte », a déclaré le Pr Maraninchi en soulignant : « Une innovation comme celle-ci ne peut-être ignorée » même s’il faut assurer qu’elle s’applique à tous les patients et dans des conditions de sécurité acceptables.
Avant cette annonce le rôle des pouvoirs publics a beaucoup été critiqué. « On ne peut s’empêcher de porter un jugement très critique sur l’indifférence totale des pouvoirs publics, sur le refus initial d’accepter de réaliser des programmes de hospitaliers de recherche clinique (PHRC) financés par l’Etat pour répondre à des demandes de scientifiques qui voulaient s’atteler au problème », a dénoncé le Pr Didier Sicard qui a signé en avril dernier avec d’autres personnalités une pétition en faveur du baclofène. Un retard qui assure-t-il, a eu pour conséquence « de rendre extrêmement difficile les protocoles actuels en raison d’une prescription parfois anarchique de ce médicament ». Les deux études « Bacloville » et « Alpadir » ont été mises en œuvre 8 ans après la découverte d’Olivier Ameisen. Dès 2006, les investigateurs de l’étude « Alpadir », les Prs Michel Detilleux et Michel Reynaud, ont présenté un protocole d’étude dans ce sens, refusé à 3 reprises.
« L’alcool n’intéresse pas », a regretté le Pr Sicard rendant hommage à Olivier Ameisen qui « a ouvert une nouvelle voie, très originale et très prometteuse ». Et « plutôt que d’apporter immédiatement... une volonté d’expertise scientifique à ses propositions », l’attitude a été plutôt celle de « la méfiance voire du rejet ». L’ancien président du Conseil national consultatif d’éthique appelle à un « changement de regard » comme ce fut le cas pour l’ulcère gastrique lorsque l’idée d’une origine infectieuse a été avancée.
Urgence sanitaire.
« La situation change », a reconnu le Dr Patrcik de la Selle, président du RESAB (Réseau addictions Baclofène) en soulignant le rôle des prescripteurs (500 dans le réseau). « Nous avons tous été émus par nos patients qui au bout de quelques temps venaient nous dire, docteur, je ne comprends pas je n’ai pas fini mon verre de vin hier soir. Moi cela me bouleverse à chaque fois après les années d’échecs, de rechutes et drames familiaux que nous médecins avons dû affronter », souligne-t-il. Le Pr Binet a salué le rôle des praticiens « C’est le triomphe des généralistes », a-t-il lancé. Et d’appeler à un débat apaisé et orienté sur le plan médical.
Tous ont rappelé l’urgence sanitaire que représente l’alcoolisme avec les 49 000 décès qui lui sont attribuables, les 5 millions de buveurs excessifs, les 2 millions d’alcoolo-dépendants et les 76 000 patients en ALD pour des troubles liés à l’alcool. Une urgence dont le coût est évalué à 20 millards d’euros (3 milliards de coûts médicaux directs qui ne repésentent que 16 % des coûts sociaux liés à l’alcool).
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