TOUT PORTAIT à croire le contraire. Alors qu’elle inhibe la tumorogenèse in vitro et chez l’animal, l’hormone antimüllerienne (AMH) semble présenter une activité strictement inverse en clinique chez les femmes non ménopausées. Fréquemment dosée dans les problèmes d’infertilité et associée à la réserve ovarienne, cette hormone pourrait être à l’avenir un nouveau marqueur du cancer du sein. Les taux sériques restant relativement stables pendant la période de fertilité, ils diminuent lors de l’épuisement ovarien jusqu’à devenir indétectables à la ménopause.
Si l’AMH inhibe la prolifération des cellules cancéreuses in vitro et freine la progression d’une tumeur mammaire chez la souris, certaines constatations cliniques discordantes avaient déjà mis la puce à l’oreille du Dr Joanne Dorgan et de ses collaborateurs du centre contre le cancer de Philadelphie. À la quarantaine, une corrélation inverse avait été observée entre le taux sérique de l’AMH et le passage à la ménopause dans les 4 années suivantes. Puisque les taux d’AMH étaient plus élevés chez les femmes ménopausées tardivement, les cancérologues américains ont émis l’hypothèse d’une association entre l’hormone et le risque de cancer du sein.
Appariement 1 cas pour 2.
Cette étude cas contrôle a inclus 309 femmes au total, toutes ayant participé à un programme de détection des marqueurs de cancers du sein, celui de la sérothèque Columbia, Missouri. Pour les 105 cas recensés de cancer du sein, in situ ou invasif, on disposait ainsi de données prédiagnostiques recueillies avant la ménopause. Chaque cas de cancer a été apparié à deux sujets contrôles sur l’âge, le jour et l’heure du prélèvement et le jour du cycle.
Il est apparu que le risque de cancer du sein augmentait avec le taux d’AMH. Pour une analyse en quartiles, le rapport des cotes était par ordre croissant de 1, 2,8 (IC 95 = 1,0 à 7,4), 5,9 (IC 95 = 2,4 à 14,6) et 9,8 (IC 95 = 3,3 à 28,9). L’association entre taux d’AMH et risque de cancer du sein était plus faible chez les femmes sous contraception orale. De plus, l’ajustement sur les taux d’estradiol et de testostérone n’a pas modifié les résultats.
Carcinogenèse in vivo.
S’il était connu que de hautes doses d’AMH inhibent la croissance d’une tumeur du sein in vitro et chez l’animal, on ne savait pas grand-chose jusque-là des effets sur la carcinogenèse chez la femme, aux concentrations physiologiques. Si les concentrations sériques commencent à baisser dès l’âge de 29 ans, le taux reste malgré tout relativement stable tout au long de la période de fertilité avant de devenir indétectable à la ménopause. Comme les femmes ayant des taux sériques élevés sont ménopausées à un âge plus tardif, il pourrait exister une association entre cancer du sein et taux d’AMH. Or, quand le rapport des cotes entre ces deux facteurs était compris entre 7 et 10, une étude antérieure avait montré en comparaison que celui entre le risque tumoral et chaque tranche supplémentaire de 10 ans était de 1,48. Un âge tardif à la ménopause pourrait ainsi ne pas suffire à lui seul à expliquer toute l’augmentation du risque tumoral en cas d’AMH élevée.
Si l’hormone antimüllerienne n’est plus détectable à la ménopause, elle reste néanmoins corrélée au risque de cancer du sein. Les auteurs suggèrent deux hypothèses, la première étant que l’exposition à des taux élevés pendant la période de fertilité altérerait durablement à long terme le tissu mammaire. La deuxième explication pourrait être que le niveau du taux hormonal reflète certaines différences physiologiques, endocriniennes et métaboliques, susceptibles de persister après la ménopause. Comme il s’agit de la première étude montrant une association entre AMH et risque de cancer du sein, les auteurs soulignent que leurs résultats sont à confirmer et à préciser dans des travaux complémentaires.
Pharmaco pratique
Accompagner la patiente souffrant d’endométriose
3 questions à…
Françoise Amouroux
Cas de comptoir
Les allergies aux pollens
Pharmaco pratique
Les traitements de la sclérose en plaques