« SI LES ANOMALIES du sommeil débutent aussi tôt dans l’évolution de la maladie d’Alzheimer, ces changements pourraient nous procurer un signe facilement décelable de la pathologie. Alors que nous commençons à traiter les patients atteints d’Alzheimer avant la survenue de la démence, la présence ou l’absence de troubles du sommeil pourrait être un indicateur rapide pour évaluer le succès des nouveaux traitements », explique le Pr David Holtzman, qui a dirigé ce travail à l’université médicale de Washington à Saint Louis (Missouri).
La quantité et la qualité du sommeil déclinent avec le vieillissement normal, et davantage encore chez les patients atteints de maladie d’Alzheimer.
Oscillations veille-sommeil de l’A-bêta.
On sait que l’amyloïde-bêta (A-bêta) commence à s’agréger dans le cerveau humain environ de dix à quinze ans avant la survenue du stade clinique de la maladie d’Alzheimer, stade associé à une perte neuronale et synaptique importante dans plusieurs régions cérébrales. L’amyloïde-bêta est sécrétée par les neurones dans le liquide interstitiel du cerveau (ISF). Dans une précédente étude (Kang et coll., « Science » 2009), l’équipe de Saint Louis avait montré qu’en l’absence d’agrégation A-bêta les taux d’A-bêta dans l’ISF des souris et dans le LCR des humains oscillent : ils s’élèvent durant l’éveil et baissent durant le sommeil. Ils avaient aussi montré dans un modèle murin d’Alzheimer préclinique qu’un éveil forcé durant une période normale de sommeil augmente le taux ISF d’A-bêta, et qu’une restriction chronique du sommeil (4 heures par jour pendant 21 jours) aboutit à plus d’accumulation d’A-bêta dans le cerveau. Cela suggérait la possibilité que les troubles du sommeil pourraient favoriser le développement des dépôts d’A-bêta et peut-être aussi la maladie d’Alzheimer.
Dans leur nouveau travail ; dont il est ici question, Roh et coll. mettent en évidence une boucle de rétroaction positive entre les troubles veille-sommeil et l’agrégation de l’A-bêta.
Ils montrent dans le même modèle souris qu’avant la formation de plaques d’A-bêta les fluctuations d’A-bêta dans l’ISF et le cycle veille-sommeil sont tout à fait normaux. Toutefois, lorsque l’A-bêta s’est agrégée en plaques amyloïdes, l’oscillation d’A-bêta dans l’ISF disparaît et les souris voient leur sommeil s’écourter.
Chez de jeunes patients dans une forme familiale.
De même, chez de jeunes patients encore à la phase asymptomatique d’une forme familiale de la maladie d’Alzheimer (mutation PS1), on constate après la formation de plaques d’A-bêta une nette atténuation des fluctuations de l’A-bêta dans le LCR.
Une expérience chez la souris confirme le lien causal entre l’A-bêta et la perturbation du sommeil. En effet, lorsque le modèle murin est vacciné contre l’A-bêta dès le jeune âge, l’absence de développement des dépôts cérébraux d’A-bêta avec l’âge est associée à une normalisation des fluctuations diurnes d’A-bêta dans l’ISF et à un cycle veille-sommeil normal.
« Cela suggère que lorsque l’amyloïde commence à s’agréger dans le cerveau humain, des changements dans le cycle veille-sommeil pourraient survenir », explique au « Quotidien » le Pr Holtzman. « S’il en est ainsi, ces perturbations du sommeil pourraient constituer un marqueur fonctionnel de la pathologie de la maladie d’Alzheimer qui débute avant la survenue du déclin cognitif. »
« Nous étudions maintenant le cycle veille-sommeil chez des personnes d’âge mûr cognitivement normales afin de déterminer si la pathologie de la maladie d’Alzheimer est associée à des modifications du sommeil. »
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