« La polypose adénomateuse familiale (PAF) est une maladie dévastatrice qui nécessite l’ablation chirurgicale prophylactique du côlon ; nos résultats pourraient nous indiquer de nouvelles approches moins invasives pour prévenir le développement du cancer colorectal », précise le Dr Cynthia Sears de l’Université Johns Hopkins à Baltimore, (États-Unis) dont l’étude est publiée dans la revue « Science ». Ces mêmes approches pourraient être appliquées aux formes sporadiques plus fréquentes du cancer colorectal, ajoute-t-elle.
Les patients ayant un cancer colorectal sporadique (80 %) ont souvent une altération de la composition (ou dysbiose) du microbiote intestinal. Ils hébergent également en zone normale de l’épithélium colique des biofilms bactériens associés à un état pro-oncogénique. Ces biofilms bactériens pourraient-ils favoriser le développement du cancer ?
Polypes précancéreux
Le Dr Sears et son équipe ont étudié des patients affectés de polypose adénomateuse familiale (PAF), une affection héréditaire par mutation du gène APC qui favorise la formation précoce de centaines ou de milliers de polypes précancéreux. Il est de règle d’enlever le colon vers l’âge de 30 ans afin de prévenir un cancer colorectal quasi certain.
L’équipe a examiné le tissu colique réséqué de 6 patients PAF. Ils ont constaté que le mucus protégeant l’épithélium est envahi par des bactéries dans certaines zones (patchs) tout au long du colon. Ces biofilms bactériens sont composés principalement d’une souche Escherichia coli produisant la toxine colibactine, connue pour endommager l’ADN (souche E. coli pks +) et d’une souche Bactéroides fragilis qui produit la toxine Bft oncogénique (souche ETBF). L’examen du tissu colique de 25 autres patients PAF montre que cette « co-colonisation » par ETBF et E. coli pks + s’observe chez plus de 60 % (comparé à moins de 25 % des témoins).
Leur étude chez la souris (exposée à un cancérigène) montre que les souris colonisées avec une seule souche développent peu ou pas de tumeurs, tandis que les souris co-colonisées par les deux souches produisent plus d’IL-17 inflammatoire dans le colon, ont plus d’altérations ADN dans l’épithélium colique, et développement rapidement des tumeurs qui contribuent à leur mortalité précoce.
Les données montrent que les deux souches coopèrent pour favoriser le développement du cancer à travers deux étapes complémentaires : 1) la souche ETBF (B. fragilis entérotoxigénique) digère la couche de mucus qui tapisse l’épithélium colique, permettant ainsi à la souche E. coli pks + de venir adhérer aux cellules épithéliales du colon et de délivrer la colibactine qui endommage l’ADN des cellules épithéliales; 2) la toxine Bft de l’ETBF déclenche la production d’IL-17 par les cellules immunes du colon, et l’IL-17 stimule la voie inflammatoire NFkappaB/Stat3 dans les cellules épithéliales, qui recrute dans le colon les cellules myéloïdes favorisant la croissance tumorale.« La combinaison de ces effets, nécessitant la coexistence des 2 bactéries, crée l’orage parfait pour favoriser le développement du cancer colorectal », résume le Dr Sears.
Ces résultats ouvre des pistes pour mieux dépister et mieux prévenir cancer colorectal. En effet, une colonisation par les 2 souches ETBF et E. coli pks + est communément trouvée chez les enfants, et des mutations APC surviennent dans la majorité des cancers sporadiques du colon. De tests permettant de détecter ces 2 souches bactériennes ou les gènes de leur toxine (bft et clbB) améliorerait le dépistage. Quant à la prévention, peut-être serait-il possible d’empêcher la colonisation par ces 2 bactéries, ou en ciblant leurs toxines.« Nous étudions maintenant de manière prospective 2 000 personnes ayant une colonoscopie de dépistage afin de déterminer si nous pouvons corréler la présence du biofilm et/ou des bactéries spécifiques à la formation de polypes dans le colon, confie au « Quotidien » le Dr Sears. Nous étudions aussi des enfants affectés de FAP afin de préciser quand il est possible de détecter pour la première fois les biofilms et les 2 bactéries. »
Science 2 février 2018, Dejea et coll.
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