Pr Moutel : « plus les victimes se manifestent tôt, mieux c’est »

Publié le 05/10/2023
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Secrétaire général de la Société française de médecine légale et chef du service de médecine légale au CHU de Caen, le Pr Grégoire Moutel revient sur la prise en charge des victimes de soumission chimique.

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ENTRETIEN

Le Quotidien du pharmacien.- Recevez-vous beaucoup de victimes de soumission chimique ?

Pr Moutel.- Dans l’unité médico-judiciaire où j’exerce, nous accueillons chaque année 4 500 personnes, dont une cinquantaine concernée par la soumission chimique. Nos chiffres ne valent pas des statistiques nationales, mais il s’agit majoritairement de femmes, de tous les âges : au cours de l’année écoulée, nous n’avons pas reçu d’homme victime de soumission chimique. La plupart de nos patientes décrivent des agressions en milieu festif : dans notre service, les cas survenus en milieu intrafamilial ou intraconjugal sont plus rares – en lien, sans doute, avec un sous-signalement.

Comment vous sont adressés ces patients ?

Certains patients se rendent d’abord aux urgences de l’hôpital. Là, un prélèvement sanguin ou urinaire peut être proposé afin de rechercher d’éventuels toxiques. Cependant, sans plainte officielle préalable, pas de mise sous scellés des prélèvements, pourtant utile en cas d’enquête. Ainsi, nous pouvons accompagner ces sujets pris en charge aux urgences vers le dépôt de plainte. Mais nous préférons que les patients passent en premier lieu par cette étape, qui permet ensuite de les orienter directement vers une unité médico-judiciaire telle que la nôtre, avec mise sous scellés. Dans tous les cas, plus les victimes se manifestent tôt, mieux c’est. Nombre de médicaments étant éliminés en quelques heures, les prélèvements doivent être réalisés précocement pour apporter une preuve biologique de la soumission chimique.

Quelles sont les étapes de la prise en charge ?

Après anamnèse, on procède à un examen physique complet à la recherche de lésions éventuelles. Un examen gynécologique peut être réalisé, avec prélèvement vaginal ; en cas d’agression sexuelle avérée ou suspectée, des mesures de prévention de la grossesse et des infections sexuellement transmissibles sont aussi proposées. Des prélèvements sanguins et urinaires sont évidemment effectués, et envoyés au laboratoire de toxicologie.

Un accompagnement psychologique est-il proposé ?

Depuis quelques années, des psychologues sont présents dans les services, et les patients se voient proposer environ cinq consultations de psychologie, en relais avec des centres de psycho-trauma et de psychiatrie. Car la soumission chimique peut occasionner, en plus d’un stress post-traumatique – aussi observé après d’autres violences –, davantage d’angoisse que d’autres agressions, en lien avec l’absence d’élément de réalité auquel se raccrocher en cas d’amnésie. De plus, notre action, en médecine légale, peut être vécue comme traumatisante. À noter toutefois que nombre de patients ne vont pas au bout du suivi, sans doute pour tourner la page plus rapidement.

Propos recueillis par I.L.

Source : Le Quotidien du Pharmacien