L'ayahuasca, drogue, médicament et muse

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Publié le 23/11/2023
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Peu de gens le savent, mais l'ayahuasca n'est pas une plante, mais un mélange de plantes. Deux espèces du genre Banisteriopsis constituent en effet la base de la préparation aux effets synergiques. Tel est l'un des nombreux enseignements de l'exposition « Visions chamaniques » qui vient d'ouvrir au musée du Quai Branly à Paris. On y apprend que le breuvage magique est utilisé depuis des millénaires par les Indiens du nord-ouest de l'Amérique du Sud convaincus que « celui-ci libère l'âme du corps de façon qu'elle puisse errer librement et regagner son enveloppe charnelle lorsqu'elle en a envie ». Côté chimie, l'ayahuasca contient de la diméthyltryptamine, ou DMT, molécule comparable à la psilocybine du célèbre champignon hallucinogène. Si la DMT a déjà été testée comme traitement contre la dépression, l'exposition consacrée aux usages de la liane dans la culture et les arts du Pérou présente surtout des textiles, peintures, céramiques et vidéos qui témoignent de son utilisation dans la médecine traditionnelle péruvienne. Ils racontent une histoire qui plonge dans les racines de la culture amérindienne et a inspiré nombre d'artistes occidentaux en quête de sens et de sensations fortes, dont certaines œuvres sont aussi présentées. Car c'est bien là l'originalité de cette exposition, aux frontières de la toxicologie et de l'art. Comme d'autres substances hallucinogènes d'Amérique du Sud, l'ayahuasca s'est diffusée à travers le monde sous l'influence de pionniers de la contre-culture américaine, comme les écrivains William Burroughs et Allen Gisberg ou, avant eux, Aldous Huxley. Mais bien avant eux, « L'art des "Kené" des Shipibo-Konibo d'Amazonie, des dessins géométriques et labyrinthiques colorés jouent le rôle de médiation avec le monde spirituel et occupent une place centrale dans leur culture, souvent présentés comme issus de l'ingestion d'ayahuasca », explique David Dupuis, commissaire de l'exposition. Temps fort de la visite : une expérience de réalité virtuelle, « Ayahuasca - Kosmik Journey » permet de tester, sans ingérer de substance, les sensations du rituel de l'ayahuasca. Les œuvres réalisées « sous ayahuasca » font la part belle à la faune et à la flore amazoniennes et vénère notamment l'anaconda. Comme une couleuvre d'Esculape dopée à l'ayahuasca…

Avec l'AFP.

Didier Doukhan

Source : Le Quotidien du Pharmacien