« TOUT EST parti du constat qu’il était absolument nécessaire de limiter les effets secondaires des chimiothérapies, explique au « Quotidien » le Dr Francis Lévi, directeur de l’unité INSERM 776 “Rythmes biologiques et cancers”. Nous nous sommes alors intéressés à l’impact du rythme circadien sur les cancers, et en particulier la tolérance et l’efficacité des anticancéreux. De là est née la chronothérapie. » Huit équipes européennes (France, Italie, Royaume-Uni) ont collaboré avec les chercheurs de l’INSERM au projet TEMPO (« Génomique temporelle pour l’individualisation de la chronothérapie »). Au cours de cette étude coordonnée par l’INSERM, deux molécules ont été étudiées : l’irinotécan, très efficace et largement prescrit dans le cancer colo-rectal, et le seliclib, encore en développement, qui interagit étroitement avec le cycle cellulaire. Leur tolérance digestive et hématologique est mauvaise, avec une diarrhée sévère chez 30 % des patients, une leucopénie dans près de la moitié des cas et une asthénie persistante.
Une toxicité variant du simple au triple.
« Nous avons cherché à mettre en relation l’expression des gènes de l’horloge interne avec la toxicité des médicaments, poursuit le cancérologue de l’hôpital Paul-Brousse à Villejuif. Chaque cellule de l’organisme est soumise au rythme circadien : métabolisme, prolifération et même organogenèse. Une quinzaine de gènes ont été identifiés dans le contrôle de l’horloge biologique. » Les chercheurs ont montré que la toxicité de l’irinotécan et du séliclib varie chez des souris soumises à un rythme éveil-sommeil très marqué. La nocivité pouvait aller du simple au triple en fonction de l’heure d’administration. Ainsi, l’irinotécan doit être délivré aux alentours de 5 heures du matin et le séliclib plutôt en début de nuit. « De plus, il semble qu’en améliorant la tolérance, on augmente l’efficacité de la chimiothérapie, explique le chercheur. Plus la toxicité est faible, plus les cellules de l’hôte sont préservées et la progression tumorale bloquée. »
Trois catégories de patients.
« Un bilan individuel circadien permettrait ainsi de personnaliser le traitement, précise le Dr Lévi. Trois classes de chronotoxicité ont été identifiées, correspondant probablement à trois catégories de patients. Nous avons montré que la tolérance des médicaments varie en fonction de l’heure, du sexe et du génotype. Il existe par exemple une différence très marquée entre les hommes et les femmes. Les hommes sont plus sensibles aux effets de la chronothérapie, alors que les femmes présentent davantage de variabilités. » Le bilan circadien reposerait ainsi à l’avenir sur quelques paramètres simples : le sexe, un enregistrement physiologique activité-repos ou de la température corporelle et l’analyse de quelques gènes constitutifs. La température corporelle semble en effet être un excellent marqueur du fonctionnement de l’horloge biologique.
« La chronothérapie a permis de développer un modèle mathématique très puissant, explique le
Dr Lévi. Ce nouvel outil de recherche permet d’explorer la variabilité des données biologiques et d’orienter les schémas optimaux. Outre la recherche clinique, plusieurs modèles expérimentaux ont été utilisés dans le projet Tempo, allant de la cellule à l’animal. » D’autres molécules, comme l’oxaliplatine, sont à l’étude pour la chronothérapie, et plusieurs applications hors cancérologie existent déjà, comme en psychiatrie ou en diabétologie. Le cancérologue français a déjà un nouveau projet de recherche européen en tête : mieux comprendre comment l’horloge circadienne régule la multiplication des cellules saines et cancéreuses. Sept équipes françaises, anglaises, italiennes et hollandaises vont s’atteler dès 2010 à décrire les interactions du rythme biologique avec le cycle de division cellulaire.
Pharmaco pratique
Accompagner la patiente souffrant d’endométriose
3 questions à…
Françoise Amouroux
Cas de comptoir
Les allergies aux pollens
Pharmaco pratique
Les traitements de la sclérose en plaques