LE CRÉNEAU des services à la personne aiguise l’appétit de plusieurs acteurs, au premier rang desquels les entreprises de services qui se sont développées dans la branche médicale et paramédicale. Aujourd’hui, il s’avère donc crucial que le pharmacien reprenne sa place, et devienne incontournable aux yeux du patient âgé ou de retour chez lui après une hospitalisation. Pour retrouver son rôle de référent, plusieurs solutions sont à sa disposition.
1) Effectuer un suivi de la matériovigilance
Âge d’or services, Domidom… Un grand nombre de sociétés spécialisées proposent de véritables paniers de prestations aux personnes âgées ou aux patients qui sortent de l’hôpital : portage de repas, aide à la mobilité, etc. Un business florissant, à l’image de Distri Club Médical, positionné sur le secteur de la location et de la vente de matériel aux particuliers et aux professionnels : « Les entreprises de services médicalisés à la personne représentent aujourd’hui 45 % de notre chiffre d’affaires », pointe Renaud Pomart, directeur général de l’enseigne nationale Distri Club Médical et de la plateforme logistique de La Centrale médicale située à Fruges (Pas-de-Calais). Barres d’appuis, chaises percées, mais aussi chaussures conçues pour les personnes à mobilité réduite, produits d’incontinence : l’homme, qui s’est lancé sur ce créneau il y a 35 ans, a diversifié ses gammes en faisant un constat simple : « Les seniors privilégient leur confort, les personnes âgées essaient de préserver leur autonomie et leur santé. Ils n’hésitent pas à consacrer une large part de leur budget à ce qu’ils considèrent comme des priorités. » Un secteur qui ne connaît pas la crise puisque Distri Club Médical réalisera en 2009 plus de 42 millions d’euros HT de chiffre d’affaires, avec pas moins de 44 franchisés. Parmi ses premiers clients, des pharmaciens qui achètent leur matériel médical. « Ils ont tout intérêt à miser sur le suivi de ce que j’appelle la matériovigilance. En vérifiant que le patient est content de son achat et en lui proposant une traçabilité du produit, ils jouent pleinement leur rôle de référent. » Le patient compte également sur l’accompagnement du pharmacien, pour de la petite maintenance à domicile par exemple. Renaud Pomart encourage aussi ses clients à créer leur local confidentiel dans l’officine, avec une vendeuse formée à la connaissance du matériel. « À mon avis, la concurrence de la grande distribution n’est pas un problème. Les clients n’iront pas décrire leurs problèmes d’incontinence en supermarché, ils préféreront s’adresser à leur pharmacien, qui est proche d’eux. »
2) Aider les anciens à préserver leur autonomie
Mais les officinaux se heurtent à un problème de taille : le plus souvent, les patients ignorent tout simplement qu’ils peuvent les aider ! « Aujourd’hui, ils s’adressent à des sociétés de services, et méconnaissent souvent le rôle de conseil du pharmacien en matière de soins à domicile », analyse le docteur Philippe Thomas, psychogériatre au centre hospitalier de Limoges. Un constat qui hérisse Jean-Michel Goudot, pharmacien à Marseille. Il en a fait son cheval de bataille : « En termes de santé publique, nous sommes les mieux placés pour aider les gens, relève-t-il. Il faut agir en amont de l’hospitalisation, auprès de nos patients âgés encore autonomes, afin de préserver leur autonomie le plus longtemps possible. » Car les organismes spécialisés tentent de récupérer les ordonnances, et démarchent les hôpitaux. Certains n’hésitent pas à faire des cadeaux au personnel… Une fois dans les structures hospitalières, les malades sortent donc du circuit officinal, parfois définitivement. « Le pharmacien jouit d’un capital confiance auprès des patients. Il doit s’appuyer sur cette fidélisation pour se rendre incontournable. De plus, c’est le seul acteur de santé, avec l’infirmière, qui voit le patient régulièrement, et qui peut se rendre compte s’il se dégrade », reprend Jean-Michel Goudot, passionné par ce sujet.
3) Organiser un référencement qualitatif dans l’officine
Convaincu que les pharmaciens ont un bel atout dans leur manche s’ils se positionnent sur ce marché, Michel Goudot a décidé de mettre en place un référencement qualitatif des structures de services locales, afin de fournir à ses patients les prestations dont ils ont besoin. Il remplit une fiche avec le client ou sa famille, pour déterminer ses attentes, et contacte ensuite lui-même les sociétés qu’il a sélectionnées, et qui proposent la téléassistance, la présence d’une aide ménagère, l’accompagnement véhicules… « Les familles ont un rendez-vous avec la structure choisie, et les services se mettent en route. J’exerce ensuite un suivi pour savoir si le patient est satisfait de l’accompagnement. » Un patient qui apprécie l’implication de son pharmacien, et va donc continuer de se rendre dans son officine. Et le bouche à oreille fonctionne. « Nous sommes un point d’ancrage pour les personnes âgées, rappelle Jean-Michel Goudot. Ils représentent environ 80 % de ma clientèle, et donc de mon chiffre d’affaires. N’oublions pas que nous avons beaucoup à perdre, vu la concurrence sur ce marché. »
4) Valoriser le matériel en amont de l’hospitalisation
Les patients échappent donc au circuit officinal à la sortie de l’hôpital. Qu’en est-il pour les officines proches des établissements de soins ? Même combat. « Copinage, cadeaux… Pour résister à la concurrence, il faudrait que je recrute quelqu’un à plein-temps ! », déplore Roland Bouvier, dont la pharmacie bénéficie pourtant d’une situation stratégique, juste en face de l’hôpital Bretonneau (Paris XVIIIe). Afin de rester présent auprès de cette clientèle, le titulaire a décidé de s’occuper des patients avant leur sortie de l’hôpital, et non après. Il dialogue avec eux et leurs familles, qui évoquent les difficultés de déplacement et le confort du logement. « Je montre que je peux être un recours pour l’achat de matériel médical, ce que les clients ignorent souvent. À Paris, nous avons peu de place pour montrer nos produits. J’ai élaboré une vitrine dédiée dans laquelle j’expose en permanence des déambulateurs, par exemple, que les personnes, une fois hospitalisées, se rappelleront avoir vus. » Objectif : déclencher un réflexe chez les clients qui préféreront s’adresser à leur pharmacien qu’à un inconnu. Proche de sa patientèle, l’officinal est aussi celui qui adapte le matériel, et peut se déplacer à domicile pour voir si le fauteuil roulant rentrera dans l’ascenseur… C’est à lui que le patient parlera de ses problèmes intimes comme l’incontinence. « C’est également à nous qu’il s’adresse quand, la nuit, une fois le Stilnox pris, il s’inquiète de chuter dans le couloir s’il se lève. Il demandera un conseil pour obtenir une garde-robe dans sa chambre. En répondant à ses besoins, nous pouvons nous rendre indispensables dans la prise en charge des pathologies de la dépendance. Un marché capital pour la profession. »
5) Inviter ses partenaires à une journée d’animation
À Marseille, à Paris, on s’active pour se réapproprier le secteur ; dans l’Isère également, comme à la pharmacie Orset, qui a pris le sujet à bras-le-corps. Si les soins post-opératoires échappent à l’officine, elle continue cependant de prendre en charge les patients âgés qui apprécient le savoir-faire et l’expérience d’une pharmacie de quartier. « C’est à nous de nous repositionner sur ce secteur, analyse Claudine Orset. Pour présenter notre matériel médical, nous avons organisé une grande journée d’information, et invité les auxiliaires de vie et les infirmières. Les premières sont souvent ignorées par les autres acteurs de la chaîne de santé ; elles ont été très sensibles à notre geste. Notre brochure en main, elles sont revenues s’informer sur nos produits. » Le but ? Montrer à ses partenaires que le service au patient va plus loin que la simple délivrance.
6) Créer un espace de dialogue personnel
Accueillir la famille du patient, son infirmière ou son auxiliaire de vie dans un espace confidentiel est aussi un plus, qui permet de discuter tranquillement et de proposer le traitement ou le produit le plus adapté à la pathologie. Des astuces qui permettent au pharmacien de se démarquer, et de valoriser son rôle d’acteur de proximité. « Nous ne cherchons pas à baisser notre niveau de prestations pour pratiquer des prix plus bas, explique Claudine Orset. Nous privilégions la collaboration avec deux ou trois marques dont nous connaissons la qualité depuis longtemps. » Une compétence qui rassure et fidélise la patientèle, et qui n’empêche pas l’officine de proposer d’autres gammes – de contention veineuse, par exemple – dont le remboursement est presque intégral, pour rester attractifs.
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