C’est à la fin du XIXe siècle que le chimiste allemand Paul Ehrlich (1854-1915) voua un intérêt spécifique aux colorants organiques dans lesquels il voyait des substances capables de se lier aux bactéries pathogènes pour les détruire. Ayant travaillé à Berlin auprès de Robert Koch (1843-1910), le « père » du bacille tuberculeux, il fonda un institut à Francfort et fut rapidement intéressé par une découverte alors révolutionnaire : en 1904, le médecin canadien Harold Wolferstan Thomas (1875-1941) et le zoologiste autrichien Anton Breinl (1880-1944) avaient prouvé que l’arsanilate de sodium, commercialisé sous le nom d’Atoxyl, était efficace contre le trypanosome, agent de la maladie du sommeil. Ayant élucidé la véritable structure de ce composé (celle décrite lors de sa découverte en 1859 était erronée), Ehrlich demanda à son chimiste, Alfred Bertheim (1879-1914), de synthétiser d’autres organo-arséniés qu’il fit tester par le dermatologue Albert Neisser (1855-1916 ; son nom reste associé à celui des gonocoques Neisseria). Le composé 418 manifesta notamment une activité certaine contre les trypanosomes sans avoir une puissance équivalente avec celle de l’Atoxyl. Ehrlich, exigeant, souhaitait découvrir une molécule capable de traiter l’infection en une seule administration, son « magische Kugel » (entendez sa « balle magique », sa « solution miracle »), et persévéra dans des travaux qui prirent alors une autre direction.
La colère d'Ehrlich
À cette époque en effet, la syphilis affectait une proportion significative de la population : elle était traitée par des dérivés mercuriels d’une haute toxicité. En 1905 donc, deux biologistes allemands, Fritz Schaudinn (1871-1906) et Erich Hoffmann (1868-1959), en identifièrent la cause, un spirochète qui se révéla être cousin des trypanosomes… Il n’en fallut pas plus pour qu’Ehrlich mette à l’épreuve un composé arsénié synthétisé en 1907. Les deux assistants en charge de cette mission conclurent un peu précipitamment que le produit était inactif mais Ehrlich, persuadé de sa clairvoyance, confia cette responsabilité à un autre assistant juste arrivé du Japon, Sahashiro Hata (1873-1938). De fait, Hata trouva que ce produit, l’arsphénamine (n° 606), était très supérieur aux autres dérivés de l’arsenic, suscitant au passage une crise de furie d’Ehrlich contre les assistants incompétents qui avait retardé sa découverte.
Le 606 fut testé sur l’homme pour la première fois au printemps 1909 avec beaucoup de soins : Ehrlich sollicita l’aide de plusieurs médecins qui consignèrent scrupuleusement leurs observations au fil des essais. Quelques mois plus tard, le dermatologue Konrad Alt (1861-1922) publia et confirma le succès extraordinaire obtenu par ce dérivé, même au prix d’une tolérance médiocre - on l’imagine -. Administré à plus de 20 000 patients en 1910, l’arsphénamine fut commercialisée cette même année sous le nom de Salvarsan. Ehrlich en commercialisa un dérivé réputé moins toxique dès 1912 : cette néoarsphénamine, plus hydrosoluble et plus active, prit le nom de Néosalvarsan. Plus encore que de proposer un traitement innovant de la syphilis, Ehrlich créa ainsi un concept nouveau, celui de « chimiothérapie », un néologisme qui devait connaître dès lors le succès que l’on sait dans l’histoire de la thérapeutique…
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