Principaux médicaments
- Inhibiteurs des cyclo-oxygénases : Acide acétylsalicylique, acétylsalicylate de lysine-Kardégic, flurbiprofène-Cébutid
- Thiénopyridines, inhibiteurs du récepteur P2Y12 : Dipyridamole-Cléridium 150 et Persantine, clopidogrel-Plavix, prasugrel-Efient, ticagrélor-Brilique, ticlopidine-Ticlid.
- Inhibiteurs de la GPIIb-IIIa : abciximab-Réopro, eptifibatide-Intégrelin, tirofiban-Agrastat (médicaments réservés à l’usage hospitalier).
- Associations fixes : Acide acétylsalicylique + clopidogrel-Duoplavin, Dipyridamole + acide acétylsalicylique-Asasantine LP.
Mécanismes d’action
Comme leur nom l’indique, les antiagrégants plaquettaires inhibent la participation des plaquettes à la thrombose. Les thromboses impliquant les plaquettes sont celles survenant en flux sanguin rapide, il s’agit donc essentiellement des thromboses artérielles au cours de la phase de constitution.
Les inhibiteurs des cyclo-oxygénases (notamment plaquettaires) s’opposent à la voie de recrutement plaquettaire via une inhibition de la production de prostaglandines et, finalement, de la synthèse de thromboxane A2.
Les thiénopyridines sont des inhibiteurs du récepteur P2Y12 plaquettaire à l’ADP. Ce sont donc des antagonistes de la voie d’activation recrutement des plaquettes par l’ADP passant par ce récepteur, et non pas par celle passant par l’autre récepteur de l’ADP, le P2Y1 ; il s’ensuit qu’il ne s’agit donc que d’une inhibition partielle de la réactivité plaquettaire à l’ADP, d’où probablement la bonne tolérance de ce mode d’inhibition plaquettaire.
La première molécule de cette classe à être commercialisée a été la ticlopidine ; actuellement peu utilisée en raison de son hématotoxicité (rares neutropénies).
Le clopidogrel (inhibiteur irréversible) a représenté un net progrès, avec peu d’effets indésirables, notamment sans gastrotoxicité (comme l’aspirine), ni d’hématotoxicité (comme la ticlopidine), mais avec un délai d’action de 4 à 7 jours (justifiant une dose de charge initiale).
Le prasugrel, comme le clopidogrel, est une prodrogue, dont la transformation en métabolite actif permet l’inhibition irréversible du récepteur P2Y12.
Le ticagrélor est, quant à lui, un inhibiteur direct réversible des récepteurs P2Y12 ; son effet est supérieur à celui du clopidogrel. Cette réversibilité lui confère un net avantage en cas de geste invasif, car l’inhibition de l’agrégation plaquettaire revient quasiment à la normale après 3 jours d’arrêt des prises.
Les antagonistes des glycoprotéines de la membrane plaquettaire (notamment GP IIb – IIIa), qui empêchent la formation de ponts de fibrinogène entre les plaquettes, sont de puissants antiplaquettaires (administrés uniquement par voie parentérale) et sont représentés par un anticorps monoclonal humanisé recombinant (abciximab), un peptide cyclique synthétique (eptifibatide) et un peptidomimétique synthétique (tirofiban).
Dans quelles situations cliniques ?
Les antiagrégants plaquettaires sont utilisés dans la prévention (primaire ou secondaire) des accidents ischémiques thrombotiques artériels.
Par voie orale, ils sont fréquemment utilisés en prévention chronique d’un événement à court, moyen ou long terme : en prévention secondaire chez les patients athérothrombotiques ayant eu un événement de type syndrome coronarien aigu, accidents ischémiques cérébrovasculaires, artériopathie oblitérante des membres inférieur ou toute autre localisation de la maladie athérothrombotique. Sauf contre-indication majeure, tout patient ayant fait une manifestation ischémique de la maladie athérothrombotique doit être définitivement mis sous antiplaquettaire.
Ils sont également indiqués en prévention primaire chez les patients à haut risque (hypertension artérielle et/ou hypercholestérolémie et/ou diabète), ainsi que chez les patients souffrant d’un syndrome myéloprolifératif associé à une activation-augmentation de la fonction plaquettaire (thrombocytémie essentielle, polyglobulie de Vaquez).
Toujours par voie orale, les antiagrégants plaquettaires sont employés en prévention immédiate à la phase aiguë des syndromes thrombotiques artériels, en particulier dans les syndromes coronariens (en association avec une héparine, le plus souvent de bas poids moléculaire ; également en association du traitement thrombolytique ou d’une angioplastie primaire au cours de l’infarctus pour prévenir la récidive thrombotique immédiate ou précoce) et dans les accidents vasculaires cérébraux.
Quant aux antiagrégants injectables, ils sont utilisés à la phase aiguë des syndromes coronaires, surtout en cas de geste d’angioplastie.
À l’inverse, il faut rappeler que la thrombose veineuse survenant préférentiellement en flux lent, représente donc le domaine des anticoagulants. D’ailleurs, les études montrent que les antiagrégants plaquettaires ne préviennent qu’environ 30 % des accidents thrombotiques veineux et 50 % des complications emboliques veineuses contre une efficacité de 75 à 90 % pour les anticoagulants. Raison pour laquelle les antiagrégants n’ont pas d’indication chez ces patients, sauf en cas de contre-indication absolue aux anticoagulants ou seulement en relais d’un traitement anticoagulant, à titre préventif, si le patient présente un risque résiduel sans indication du maintien au long cours du traitement anticoagulant.
À savoir : une association de deux antiagrégants plaquettaires est possible (l’un des deux étant l’acide acétylsalicylique) ; une triple association, incluant une antivitamine K est également envisageable, au risque, néanmoins, d’une majoration du risque hémorragique iatrogène.
Important : il est formellement déconseillé d’arrêter un traitement antiplaquettaire prescrit dans une indication absolue (sauf excellente raison validée).
Posologies recommandées et plans de prise
- Acide acétylsalicylique : ce médicament exerce un effet antiplaquettaire à partir d’une dose de 75 mg par jour ; sauf cas exceptionnel, il n’est pas nécessaire de recourir à une dose supérieure à 330 mg par jour.
- Acétylsalicylate de lysine : 160 ou 300 mg par jour.
- Clopidogrel : 75 mg par jour ; en cas de syndrome coronaire aigu, il est recommandé d’administrer une dose de charge unique de 300 mg.
- Clopidogrel (75 mg) + acide acétylsalicylique (75 mg) : 1 comprimé par jour.
- Dipyrimadole : 75 mg matin et soir pendant 48 heures, puis 150 mg matin et soir.
- Flurbiprofène : 50 mg, deux fois par jour.
- Prasugrel : dose de charge de 60 mg, suivie d’une dose de 10 mg par jour. Ce produit doit être utilisé (sauf contre-indication) en association à l’aspirine (75 à 325 mg par jour). Le traitement ne doit pas dépasser 12 mois après un syndrome coronaire aigu.
- Ticagrélor : dose de charge unique de 180 mg (soit 2 comprimés à 90 mg), suivie d’une prise quotidienne de 90 mg 2 fois par jour. Ce produit doit être utilisé (sauf contre-indication) en association à l’aspirine (75 à 150 mg par jour).
- Ticlopidine : 250 mg deux fois par jour, au cours des repas.
À savoir : l’effet des produits bloquant irréversiblement l’agrégation plaquettaire perdure pendant la durée de vie des plaquettes circulantes au moment de l’absorption de ces derniers, soit au maximum 10 jours. Environ une semaine est donc nécessaire pour que circule un pourcentage efficace de plaquettes nouvellement formées « indemnes » et fonctionnelles.
Quelques cas particuliers
Grossesse et allaitement
Traditionnellement, du fait d’un risque majoré de troubles hémorragiques de la nidation, l’acide acétylsalicylique n’est habituellement pas prescrit en tout début de grossesse, mais il ne s’agit que d’une contre-indication relative si le risque thrombotique est majeur, comme en cas de syndrome des antiphospholipides.
Les femmes enceintes à haut risque de prééclampsie peuvent bénéficier de la prise d’aspirine à faible dose (75 mg/j), à commencer avant la 16e semaine, avec un arrêt souhaitable avant la 32e semaine.
Personnes âgées
L’âge (supérieur ou égal à 75 ans) représente un facteur d’augmentation des accidents thrombotiques (cardiopathie ischémique, accident vasculaire cérébral, artériopathie des membres inférieurs) et cardio-emboliques (fibrillation auriculaire).
Si les indications et les contre-indications des antiagrégants plaquettaires ne diffèrent pas entre personnes âgées et adultes jeunes (à l’exception de la contre-indication du prasugrel après 75 ans), il convient néanmoins de prendre en compte les éléments suivants : situations de contre-indication (ulcérations gastro-intestinales, antécédents d’hémorragie intracrânienne), qui sont plus fréquentes, vérification régulière si le bénéfice reste supérieur au risque (notamment lors de situations intercurrentes aiguës), prise en compte d’un risque majoré d’interactions médicamenteuses plus fréquent chez les personnes âgées, ajout d’un anticoagulant (héparine) à l’occasion d’une intervention chirurgicale.
Insuffisance rénale ou hépatique
L’aspirine à faible dose (75 mg/j) est recommandée chez l’insuffisant rénal (en dehors de l’insuffisance rénale modérée liée uniquement à l’âge) en monothérapie en prévention primaire et secondaire.
En dehors du décours d’un infarctus du myocarde ou d’une revascularisation coronaire percutanée (bithérapie), le clopidogrel et le prasugrel doivent être évités en cas de néphropathie diabétique.
Le clopidogrel, le prasugrel et le ticagrélor sont contre-indiqués en cas d’insuffisance hépatique sévère.
Vigilance requise
Contre-indications
D’une manière générale, les antiplaquettaires sont contre-indiqués en cas de saignement pathologique en cours et d’antécédents d’hémorragie intracrânienne.
Aspirine : allergie à l’aspirine, ulcère gastroduodénal en évolution, maladie hémorragique constitutionnelle ou acquise, association au méthotrexate (si posologie supérieure à 15 mg par semaine).
Clopidogrel : Signes cutanés ou digestifs (diarrhée motrice).
Prasugrel : antécédents d’accident vasculaire cérébral
Les effets indésirables qui doivent alerter
Il s’agit essentiellement d’une majoration du risque hémorragique ; les hémorragies pouvant être potentiellement graves.
Pour le clopidogrel : rashs cutanés (pouvant disparaître spontanément en dépit de la poursuite des prises), accélération du transit se traduisant par une diarrhée motrice modérée. Ces deux types d’effets indésirables sont peu fréquents et sans gravité.
Pour l’aspirine : hypersensibilité (rarement d’origine immunologique) pouvant se manifester par une sinusite récidivante, un asthme, un prurit, une urticaire, un angiooedème, voire par un choc anaphylactoïde.
Interactions médicamenteuses
Attention aux associations d’antiplaquettaires, d’antiplaquettaires et d’anticoagulants (notamment l’héparine), d’antiplaquettaires et d’AINS, de corticoïdes ou d’inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine.
- Aspirine : association aux anticoagulants oraux et aux héparines ; diminution de l’effet des uricosuriques (benzbromarone, probénécide).
- Clopidogrel : associations déconseillées avec les inhibiteurs modérés ou puissants du CYP 2C19 (ex : oméprazole, ésoméprazole, fluvoxamine, fluoxétine, fluconazole, ticlopidine, ciprofloxacine, cimétidine, carbamazépine, oxcarbazépine…), assurant la transformation en métabolite actif.
- Dipyrimadole : nausées, vomissements, diarrhée, céphalées, vertiges, hypotension (du fait d’une action vasodilatatrice), bouffées de chaleur, tachycardie.
- Ticagrélor : attention aux associations avec des médicaments inducteurs ou inhibiteurs puissants du CYP 3A4 (baisse de l’efficacité avec les inducteurs et majoration de celle-ci avec les inhibiteurs – il s’agit d’ailleurs d’une contre-indication en ce qui concerne ces derniers).
- Ticlopidine : neutropénie, nausées, diarrhée, éruptions cutanées (souvent accompagnées de prurit).
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