Il nous semble que, derrière la question de la délivrance d'un contraceptif oral progestatif sans ordonnance, émergent certaines problématiques importantes qui interrogent notre identité professionnelle et notre avenir.
En premier lieu, comme NorLevo en son temps, ce type de médicament peut être considéré, par certains, comme l'occasion de « s'affranchir » de la tutelle du médecin : « Le pharmacien peut lui aussi prescrire !' » Il est vrai qu'une conscience professionnelle couplée à une expertise scientifique et relationnelle permettent d'accueillir « justement » de telles demandes. Pourtant, même si une partie de notre profession attend de nouvelles possibilités d'émancipation, 63,9 % de celle-ci ne sont pas favorables au délistage d'un tel produit (1). Deux types de questions méritent alors d'être posées.
D'une part, les conditions générales d'exercice sont-elles toujours optimales pour donner aux demandeuses la possibilité d'aller au-delà de la simple recherche de produit ? Comment s'assurer des conditions normales d'emploi et du suivi médical et biologique rigoureux, après un entretien pharmaceutique ? Les dispositifs actuels qui nous permettent d'assurer la traçabilité de nos délivrances sont-ils suffisants dans de telles circonstances ? Afin de mieux cerner les éventuelles difficultés, on pourrait se référer à la politique mise en place pour la contraception d'urgence. Malheureusement il est regrettable que les évaluations concernant les circonstances d'utilisation et les complications qui s'en sont suivies soient trop peu nombreuses. Hormis celles qui ont établi le constat de l'absence de diminution du nombre d'IVG (2) et la mise en évidence d'une corrélation positive entre l'utilisation d'une contraception d'urgence et le taux d'infections sexuellement transmissibles (3)… Aussi l'envie d'aller de l'avant ne peut passer par une posture revendicative.
D'autre part, nous devons également tenir compte de la démarche qui se met progressivement en place, celle d’une collaboration entre professionnels de santé, via des réseaux plus ou moins formels, pour le bien des personnes. Une telle demande de notre part, qui ne correspond pas à un souhait de la majorité de nos patientes, risquerait de perturber le climat de confiance que nous essayons d’instaurer.
Dernier point : un certain nombre d'usagers considère encore le pharmacien comme un simple distributeur, qui n'a qu'à s'exécuter, au nom du principe de respect de leur autonomie. Or il est important de faire valoir que, depuis le 1er février 2017, les Bonnes pratiques de dispensation s'appliquent à toutes les officines et rappellent que « le pharmacien a une obligation renforcée de conseil pour les médicaments non soumis à prescription médicale obligatoire ». Notre profession doit être toujours là pour redire la dangerosité de toute substance médicamenteuse comme l'irresponsabilité lors d'un parti pris pour l'absence de suivi médical. On ne peut qu'espérer que les principes de non-malfaisance et de bienfaisance guideront toujours nos décisions.
Les questions soulevées par la délivrance d'un contraceptif oral progestatif sans ordonnance ne peuvent être débattues qu'en dehors de tout positionnement idéologique ou corporatiste. Car en tant que soignant, il nous semble que la question ultime à se poser, en vue d'un discernement éthique vrai, reste : « Qu'est-ce qu'on fait des personnes ? », cette question ne devant pas être perçue comme un stratagème en vue de prendre la décision à la place des autres…
(1) Une majorité de pharmaciens sont contre in « Le Quotidien du pharmacien » n° 3350 (11 mai 2017).
(2) cf. le rapport de 2011 de la HAS et celui de 2009 du Pr Nizan (signalant qu'entre 2002 et 2009, le nombre d'IVG a augmenté de 22 % chez les mineures).
(3) Girma S. et Paton D. The impact of emergency birth control on teen pregnancy and STIs in J Health Econ 2011 Mar.
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