Professionnels de santé en souffrance

Quand les pharmaciens pensent au suicide

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Publié le 11/12/2017
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Le suicide, qui fait plus de morts que les accidents de la route, sévit également chez les professionnels de santé. Parmi eux, les pharmaciens qui sont 25 % à avouer avoir déjà eu des pensées suicidaires au cours de leur carrière. Un constat qui incite l’association SPS à poursuivre son combat dans la prévention en créant un système de « sentinelles ».

Lever le tabou sur le suicide pour mieux le prévenir et dédramatiser les pensées suicidaires pour mieux les désamorcer. C'est fort de ces convictions que le Dr Éric Henry, fondateur et président de Soins aux professionnels de santé (SPS), engage le troisième chantier de son association.

Une enquête (1) menée sans ambages sur la question du suicide fait apparaître que 25 % des pharmaciens ont eu au cours de leur carrière des idées suicidaires en lien avec leur situation professionnelle. Ils ne se différencient pas des autres professionnels de santé qui, dans leur ensemble, semblent plus exposés en milieu rural. Plus d’un tiers (35 %) des répondants exerçant hors des villes reconnaît avoir eu de telles pensées, tandis qu’ils ne sont que 18 % dans la région parisienne.

L’isolement est particulièrement marqué chez les pharmaciens, qui sont plus nombreux (68 %) que les médecins (56 %) à garder le silence sur leurs idées suicidaires. Seulement 32 % des pharmaciens se confient à des membres de leur famille, des spécialistes (psychiatres, psychologues), ou encore à un ami ou un confrère.

Se former au repérage

SPS est d’autant plus sensible à ce monde du silence qu’un suicide en appelle souvent un autre. Les pharmaciens sont particulièrement réceptifs à ce phénomène de mimétisme. Ils sont en effet 62 %, contre 57 % chez les médecins, à penser que le suicide d’un professionnel de santé peut favoriser d’autres suicides. 23 % des pharmaciens connaissent d’ailleurs chacun près de deux professionnels de santé exposés au suicide dans leur entourage.

71 % des pharmaciens reconnaissent que le suicide d’un professionnel de santé perturbe l’organisation de leur travail, 67 % estiment que ce drame influe sur leur implication dans leur travail, et enfin qu’il affecte leur confiance en eux, et la qualité de leurs soins dans 57 % des cas.

Bien informés sur l’existence de la plateforme mise en place par SPS il y a un an, (2), les pharmaciens sont les plus nombreux (61 %) à recommander cette solution d’écoute à un confrère en détresse.

Les résultats de cette nouvelle enquête confortent SPS dans la voie engagée pour développer la prévention à l’échelle des territoires. L’association souhaite étendre à toute la France un réseau de professionnels de santé « sentinelles ». Formés, rémunérés, ils seront chargés de repérer, d’accompagner et d’orienter leurs pairs fragilisés et en souffrance. Les trois premiers modules de formation (3) sont programmés en janvier prochain.

(1) Enquête réalisée en ligne. 710 répondants dont 114 pharmaciens (moyenne d’âge 47 ans) exerçant à 88 % en libéral, 23 % en milieu rural, 22 % en milieu semi-urbain, 40 % en urbain hors Paris et 15 % en Région parisienne.
(2) 1 800 appels, dont 7 % de pharmaciens – Numéro vert 0 805 23 23 36 – disponible 24 heures/24 et 7 J/7. Entretiens avec des psychologues anonymes et gratuits.
(3) Formation sur deux journées. Inscriptions sur formation.assosps@gmail.com.

Marie Bonte

Source : Le Quotidien du Pharmacien: 3396