LA DÉCISION rendue mardi par la Commission de Bruxelles répond à une demande que le groupe allemand BASF avait déposé en août 1996 pour commercialiser sa pomme de terre transgénique Amflora à des fins industrielles et pour l’alimentation animale. Cet OGM est renforcé en amylopectine, un composant de l’amidon utilisé par l’industrie pour fabriquer des textiles, du béton ou du papier. Il contient également un gène marqueur de résistance (nptII) connu comme gène de résistance à un antibiotique médical, la kanamycine.
En juin 2009, l’AESA a confirmé un avis rendu en avril 2007, concluant qu’Amflora est sûr pour l’alimentation humaine, animale, ainsi que pour l’environnement. Selon les experts européens, le transfert de la résistance des plantes transgéniques à des bactéries est en effet « hautement improbable », le gène nptII étant déjà largement répandu dans la nature et présent chez la plupart des bactéries intestinales. En outre, la résistance à la kanamycine serait « omniprésente dans l’environnement ». Le risque de dissémination serait donc « scientifiquement négligeable » et il pourrait être « raisonnablement ignoré ». Dans un communiqué, BASF affirme que « le transfert de résistance des bactéries aux cellules végétales n’a jamais été observé dans la nature ». La firme annonce que « la voie est désormais libre pour une mise en culture commerciale d’Amflora dès cette année ».
Commissaire à la Santé et à la Protection des consommateurs, le Maltais John Dalli assure que « des réponses ont été apportées à toutes les questions scientifiques, particulièrement celles concernant la santé. Nous devons continuer à aller de l’avant dans la nouvelle ère des technologies, tout délai supplémentaire aurait été injustifié ».
« Déclaration de guerre ».
Les opposants aux OGM ne déposent cependant pas les armes. Chef de file des écologistes européens, Martin Haüsling se déclare « choqué » et exprime de « sérieuses inquiétudes au sujet du gène nptII ». Selon lui, « des doutes sérieux persistent concernant les conséquences possibles sur la santé humaine et l’environnement, le feu vert bruxellois étant au mieux inutile, au pire dangereux ».
« En évacuant le débat sur les risques, cette décision constitue une véritable déclaration de guerre à l’égard des citoyens européens majoritairement opposés aux cultures OGM », accuse de son côté la libérale Corinne Lepage, vice-présidente de la commission Environnement du Parlement. La secrétaire nationale des Verts, Cécile Duflot, estime quant à elle que « des traces d’organismes génétiquement modifiés utilisés dans l’alimentation animale peuvent se retrouver dans la viande ou le lait à l’insu des consommateurs ». Et elle appelle le gouvernement français à s’opposer à la décision de la Commission, comme elle a juridiquement latitude de le faire.
Les adversaires des OGM soulignent que le comité d’experts de l’AESA n’a pas été unanime dans ses avis. Deux de ses membres, Christophe N’Gyuen-Thé et Ivar Vagholm, ont considéré qu’« il serait imprudent de minimiser des effets négatifs sur la santé » et ils ont jugé « probables des conséquences de la culture de la pomme de terre sur l’environnement par la dissémination ».
À ce jour, un seul OGM avait été autorisé à la culture dans l’UE, le maïs MON 810 développé par Monsanto. Sept pays européens, dont la France, en ont pourtant interdit la culture, en raison des risques de contamination pour les cultures traditionnelles et biologiques.
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