« PAS DE PRÉSERVATIFS, nous sommes catholiques ! » Dans la petite pharmacie située sur l’île Tiberina à Rome et gérée par les frères FatebeneFrattelli, qui tiennent aussi l’hôpital mitoyen très prisé pour les accouchements, on ne badine pas avec l’éthique et la religion. Et malgré les protestations exacerbées des consommateurs et des associations qui menacent de porter plainte, les pharmaciens n’ont pas l’intention de faire marche arrière, au contraire. « Les préservatifs sont en vente partout, même dans les écoles et les supermarchés, nous, nous appliquons notre credo », argumentent les pharmaciens de l’île Tiberina.
Dans la cité éternelle, l’affaire a fait grand bruit, d’autant que la presse locale en a fait ses choux gras. Pourtant, la chose n’est pas nouvelle. À Luca, la ville du festival de la bande dessinée située en Toscane, comme à Diamante en Calabre, deux pharmaciens se sont déjà rebellés et refusent de vendre les “petites anglaises”.
Toutefois, le « cas romain » comme l’ont baptisé les médias, prend une tournure nettement plus grave. Notamment parce que le ministère de la Santé vient d’interdire la commercialisation de la pilule RU486 au nez de l’AIFA, l’agence italienne du médicament qui a donné son feu vert en décembre dernier. Et surtout, parce que le Vatican multiplie les pressions et les déclarations contre les moyens de contraception toutes catégories confondues. « L’Italie est devenue une succursale du Saint-Siège », tonne Carla Ponti, qui exerce dans la capitale depuis une vingtaine d’années. « L’affaire des préservatifs comme l’interdiction de la commercialisation de la RU486 témoignent du recul politique et culturel de l’Italie », lui fait écho Gianluca Peciola, conseiller provincial et membre du parti Gauche, Écologie et Liberté.
Tandis que, sur l’île Tiberina, les pharmaciens creusent les tranchées et remplissent des sacs de sable, les associations de consommateurs menacent de se retourner vers les tribunaux. À commencer par l’ANLAID, l’association nationale pour la lutte contre le Sida. « Nous sommes prêts à nous mobiliser pour faire respecter la loi. Refuser de vendre des préservatifs est indécent et intolérable, d’autant que les réfractaires exercent dans une pharmacie située sur le territoire italien », explique le Dr Giovanni Russo. Ce médecin spécialisé dans les maladies infectieuses, qui exerce à l’hôpital universitaire Umberto I, ne cache pas sa colère. « Nous enregistrons chaque année, 4 000 nouveaux cas de Sida au niveau national. À Rome, la situation est de plus en plus dramatique dans les milieux hétérosexuels. Les préservatifs permettent d’enrayer les possibilités de contagion », détaille Giovanni Russo. Mais porter plainte devant les tribunaux n’est pas une mince affaire. « En Italie, les pharmaciens ne sont pas dans l’obligation de vendre des préservatifs. Federfarma ne peut donc rien faire sur le plan légal. Toutefois, les pharmaciens devraient observer les principes de la laïcité en raison de leur profession », estime Franco Caprino, président de Federfarma Lazio, la fédération des pharmaciens du Latium. Au ministère de la Santé, on reste dans le vague et on conseille de contacter l’AIFA. « Il n’y aucune obligation de vente. À partir du moment où l’on trouve des préservatifs dans de nombreux lieux publics comme les écoles, il serait souhaitable que les pharmacies vendent ces produits, notamment parce qu’ils représentent un instrument de protection contre les maladies sexuellement transmissibles », détaille le bureau de presse. En somme, même si la bataille est loin d’être terminée, on connaît déjà le mot de la fin.
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