L’AUGMENTATION importante de l’obésité infantile et l’existence de famille d`obèses questionnent sur les déterminants précoces de cette pathologie. La Dr Marie-Aline Charles, directrice de recherche à l’unité INSERM du Centre de recherche en épidémiologie et santé des populations à Villejuif, fait le point sur les études épidémiologiques cherchant à mettre en relation l’obésité de l’enfant avec des facteurs pré-et postnataux précoces. Concernant la période prénatale, des facteurs sont déjà bien connus. Il s’agit de la corpulence de la mère, du gain de poids pendant la grossesse, de la présence de diabète. Deux autres facteurs émergents s’ajoutent aux précédents : le tabagisme maternel pendant la grossesse (une augmentation plus rapide de l’IMC des enfants de mères fumeuses pendant la grossesse apparaît très tôt, dès le premier mois de la vie et se maintenant jusqu’à l’âge de 5 ans) et le stress maternel (par exemple le deuil d’un des proches pendant la grossesse ou une année avant). Dans ce cas, l’obésité apparaîtrait beaucoup plus tard dans la vie de l’enfant, autour de la puberté.
Concernant la période postnatale, Les enfants de pères obèses ont une croissance de poids plus rapide dès les premiers mois de la vie, une relation qui s’explique probablement, au moins en partie, par des facteurs génétiques. À l’heure actuelle, la question du mode d’alimentation (allaitement maternel /allaitement artificiel exclusif) n’est pas tranchée. Par contre, de nouvelles publications montrent une relation entre le mode d’accouchement par césarienne et le risque d’obésité. Cela pourrait être, sous-tendu par l’implantation intestinale du microbiote.
Le rôle du microbiote intestinal.
Actuellement, le rôle du microbiote intestinal est mis en avant dans de très nombreuses pathologies allant du cancer à l’obésité et au diabète en passant par les maladies cardio-vasculaires, les allergies et même les maladies neurologiques et certains troubles du comportement. Il existerait une relation cerveau-intestin. Une avancée importante a consisté en la caractérisation des populations bactériennes du microbiote intestinal, grâce aux approches de séquençage de l’ADN bactérien.
Une association clinique a été mise en évidence entre la composition du microbiote intestinal et les facteurs de risques métaboliques et cardio-vasculaires. Ce sont ceux qui ont notamment une perte de diversité de la flore intestinale qui ont le plus de risques cardio-métaboliques. « Mais association ne signifie pas qu’il y ait un lien de causalité ! », insiste Pr Karine Clément (IHU cœur métabolisme et nutrition, Pitié-Salpêtrière, à Paris, et directrice d’équipe INSERM). Les expériences de transplantation de flore intestinales sont riches d’enseignements à ce titre. Lorsqu’on transplante une flore intestinale d’un animal obèse à une souris sans flore, l’animal receveur développe lui-même une obésité, suggérant la transmission par la flore des composés qui favoriseraient la prise de poids. Autre expérience dans le sens contraire, à partir d’une paire de souris jumelles comportant une souris obèse et une souris non obèse. Les souris étant coprophages, l’ingestion des matières fécales issues de la souris mince par la souris obèse a permis à cette dernière d’améliorer son phénotype métabolique, dans un environnement alimentaire favorisant (restriction énergétique, enrichissement en fibres, en protéines, en aliment de faible indice glycémique).
Toutefois à ce jour l’utilisation de pré- ou probiotiques, qui pourrait être envisagé afin d’obtenir une flore intestinale susceptible de réduire les risques d’apparition des maladies cardio-métaboliques, n’est pas encore validée au niveau clinique.
La chirurgie bariatrique.
Microbiote toujours… cette fois dans le domaine de la chirurgie bariatrique, où sa modification, observée chez les patients opérés, pourrait contribuer à leur perte de poids. Il existe deux catégories de chirurgie. Les techniques restrictives pures réduisent la taille de l’estomac. Il s’agit de la pose d’un anneau gastrique (gastric banding) ou d’une gastrectomie longitudinale ou en manchon (sleeve gastrectomy). Les techniques mixtes restrictive (réduction à la fois de la capacité de l’estomac) et malabsorptive (réduction de l’assimilation des aliments par l’organisme) sont mises en œuvre dans le duodenal switch et le court-circuit gastrique (gastric Bypass). Quels résultats sur le poids ? En comparant toutes les techniques, la perte du poids s’élève à 25 % en moyenne. Cependant, toutes les techniques ne sont pas égales et il y a toujours reprise du poids, mais jamais autant qu’avant l’opération.
La chirurgie bariatrique retentit également sur le diabète. « Ce qui est important, c’est qu’elle le fait directement, sans passer par la perte de poids », explique Le Pr François Pattou, du CHU de Lille, s’appuyant sur les résultats d’une étude récente comparant un groupe de patients traités de façon optimale (best médical care) et de patients opérés par la technique de Bypass gastrique. Il souligne également le rôle fondamental que joue le pharmacien auprès des patients opérés par des techniques mixtes. La malabsorption impose une supplémentation en vitamines de façon à prévenir les carences. Cette nécessité absolue doit être maintenue sur le long terme. Les vitamines non remboursées peuvent être coûteuses pour certains qui risquent de les négliger.
Certes, le chemin peut paraître encore long pour mettre en place une politique de prévention dirigée chez des femmes enceintes et des jeunes enfants, ou encore des approches ciblées par changement de flore ou médicaments spécifiques. Mais ces hypothèses émergentes, fruits de collaborations internationales à grandes échelles, permettent d’approcher de plus en plus près les mécanismes générant diabète et obésité. Le projet Européen Metacardis http://www.metacardis.eu, dirigé par K. Clément, permettra à l’échelle européenne de préciser le rôle de la flore intestinale chez des patients à différents stades de leur maladie cardio-métabolique.
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