Les résultats de trois études hospitalières (1, 2, 3) conduites à Nancy, Besançon et Paris vont dans le même sens : dans les cohortes de patients consultant pour une présumée maladie de Lyme chronique, seuls de 9 % à 14 % sont véritablement porteurs de cette pathologie. La majorité des patients consultant pour une présumée borréliose de Lyme souffrent, en réalité, d’autres maladies d’ordre neurologique, rhumatologique ou systémique et de troubles psychologiques.
Publiée dans la revue Clinical Infectious Diseases, l’étude du Pr éric Caumes (3), chef du service de maladies infectieuses et tropicales à la Pitié-Salpêtrière, a porté sur 301 patients. « Sur l’ensemble des patients ayant consulté pour une suspicion de cette pathologie, nous n’avons confirmé le diagnostic de maladie de Lyme uniquement chez 9,6 % d’entre eux », souligne le Pr Caumes. Ces résultats sont cohérents avec ceux des équipes de Nancy et de Besançon (1,2). « Les différences concernent le taux de diagnostics indéterminés et de troubles psychologiques », précise le Pr Caumes. En effet, les auteurs des études de Nancy et de Besançon ont conclu à un diagnostic indéterminé pour 31 % et 26 % de leurs patients respectivement (contre 6,6 % dans l’étude du Pr Caumes). Par ailleurs, les travaux de Nancy et de Besançon ont conclu respectivement à 2 % et 13 % de troubles psychologiques (contre 25,2 % dans l’étude du Pr Caumes). « Nous pensons qu’une grande partie des diagnostics indéterminés des études de Nancy et de Besançon concernaient des patients présentant des troubles somatoformes indifférenciés. Dans notre étude, nous avons classé ces troubles parmi les désordres psychologiques », note le Pr Caumes.
Écouter la souffrance morale
L’approche holistique menée au sein du service de maladies infectieuses et tropicales de la Pitié-Salpêtrière permettrait ainsi de diagnostiquer davantage de troubles psychologiques. « Cette approche met notamment l’accent sur l’interrogatoire, l’écoute, la compassion et l’empathie. Ce sont des dimensions fondamentales », confie le Pr Caumes. Ce type de consultation dure en moyenne entre 45 minutes et une heure et demie. « Les patients nous font part de leur souffrance morale. C’est l’illustration d’un véritable phénomène de société : nous découvrons souvent qu’ils ont été victimes de harcèlement moral ou sexuel, d’épuisement professionnel, de stress post-traumatique, ou qu’ils présentent une dépression masquée », souligne le Pr Caumes. Beaucoup de médecins n’ont pas été formés à la médecine psychosomatique. « La grande majorité des généralistes n’ont pas le temps et ne sont pas assez rémunérés pour effectuer des consultations longues », regrette le Pr Caumes.
Vers de nouvelles recommandations
En 1996, le professeur américain Léonard Sigal avait déjà décrit les problèmes de surdiagnostic et de surtraitement de la maladie de Lyme (4). « Alors que nous bénéficions d’arguments supplémentaires pour combattre ce phénomène, nous sommes passés de 80 % à 90 % de surdiagnostic. Il s’agit là d’un véritable scandale sanitaire, car nous voyons dans nos consultations des patients avec des ordonnances d’une vingtaine de médicaments pour combattre une présumée maladie de Lyme alors qu’ils n’en sont pas porteurs », déplore le Pr Caumes. Outre le problème d’antibiorésistance, la santé de ces patients, en errance thérapeutique, est mise en péril. La Société de pathologie infectieuse de langue Française (SPILF), en collaboration avec d’autres sociétés savantes, est en train d’écrire de nouvelles recommandations pour le diagnostic et le traitement de la maladie de Lyme. « Les résultats devraient être disponibles à partir du premier trimestre 2019 », conclut le Pr Caumes.
1) K. Bouiller, T. Klopfenstein, C. Chirouze, Clin Infect Dis 2018, in press.
2) C. Jacquet et al., Med Mal Infect. 2018.
3) E. Haddad et al., Clin Infect Dis. 2018.
4) L. H. Sigal, Arch. Intern. Med. 1996, 156, 1493.
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