Associant d’abord fièvre, céphalées, arthralgies et démangeaisons, la maladie du sommeil évolue vers une infection chronique affectant le système nerveux central et occasionnant le décès en quelques mois. Elle est causée par un protozoaire parasite du sang et de la lymphe, Trypanosoma brucei. Transmise par la glossine (« mouche tsé-tsé »), cette parasitose a jadis dévasté l’Afrique subsaharienne : entre 1896 et 1906, environ un million de personnes en moururent dans le bassin du Congo. À cette époque, la « chimie thérapeutique » ouvrait tous les espoirs et plusieurs laboratoires s’attaquèrent à ce problème. En Allemagne, Paul Ehrlich (1854-1915) testa en 1901 plus d’une centaine de colorants, sa spécialité, et découvrit qu’une benzopurpurine, le Nagana Red, ralentissait temporairement l’évolution de l’infection chez la souris. Deux ans plus tard, en 1903, un associé, Ludwig Benda, synthétisa le Trypan Red, actif sur certains trypanosomes mais non sur T. brucei. Finalement, aux termes d’innombrables essais, Oskar Dressel (1865-1941) et Richard Kothe (1863-1925), travaillant également chez Bayer, conçurent en 1917 un dérivé très puissant sur T. brucei : le Bayer 205 ou « Germanine ». Conscient de l’intérêt extrême de ce produit, l’Allemagne proposa aux Anglais la formule de la molécule en échange de la restitution de ses colonies d’Afrique perdues à la suite du Traité de Versailles. Ceux-ci refusèrent et la structure du Bayer 205 resta secrète jusqu’en 1924, année où un pharmacien de l’Institut Pasteur, Ernest Fourneau (1872-1949) la publia - elle fut confirmée par Bayer en 1928 -. Développé sous le nom de suramine, ce composé reste recommandé par l’OMS - malgré sa toxicité - pour traiter les premiers stades de l’infection (et fait actuellement l’objet d’essais dans le traitement de l’autisme !).
Arsphénamine, tryparsamide et mélarsoprol
Mais le trypanosome était attaqué par une autre voie chimique… En 1858, l’explorateur écossais David Livingstone (1813-1873) avait suggéré que la Liqueur de Fowler, à base d’arsénite de potassium, était active contre la maladie du sommeil. En 1902, le parasitologue Alphonse Laveran (1845-1922) confirma qu’elle inhibait temporairement le développement de la maladie sur modèle animal. Le médecin canadien Harold Wolferstan Thomas (1875-1941) et le zoologiste autrichien Anton Breinl (1880-1944) prouvèrent en 1904 que l’arsanilate de sodium (Atoxyl) était efficace contre le trypanosome, mais Robert Koch ne tarda guère à constater qu’il était également très toxique puisque 2% des sujets traités finissaient aveugles… De nouveaux dérivés, les arsenobenzènes, furent alors synthétisés par Alfred Bertheim (1879-1914), un collaborateur d’Ehrlich., dont, en 1907, l’arsphénamine inactive sur le trypanosome mais qui constitua, nous l’avons vu précédemment, l’un des premiers antisyphilitiques. En 1919, le chimiste américain Walter A. Jacobs (1883-1967) conçut un dérivé pénétrant dans le système nerveux central, actif sur les phases évoluées de l’infection : le tryparsamide, qui resta utilisé jusque dans les années 1960. Ce fut finalement un Suisse, Ernst Friedheim (1899-1989), qui eut l’idée originale de combiner le mélarsen, un arsénié toxique qu’il venait de découvrir, avec le dimercaprol, un antidote de l’intoxication arséniée : le mélarsoprol (Mel B), introduit en thérapeutique en 1949, reste inscrit sur la liste des médicaments essentiels de l’OMS.
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