On l’imagine aisément : l’épidémie de « grippe espagnole » qui fit des ravages en Europe en 1918 stimula la recherche de l’étiologie de cette maladie alors bien singulière. À cette époque en effet, des doutes sérieux planaient sur les liens entre le « bacille hémophile » que les bactériologistes Richard Pfeiffer (1858-1945) et Shibasaburo Kitasato (1852-1931), travaillant tous deux à Berlin, tenaient comme agent de cette véritable peste : ainsi, des études américaines menées à l’automne 1918 montrèrent que le fameux bacille (connu aujourd’hui comme Hæmophilus influenzae) était bien présent chez beaucoup de victimes de la grippe, mais assurément pas chez toutes… Les biologistes en vinrent alors à imaginer que l’infection était le fait de l’un de ces micro-organismes pathogènes alors mystérieux, dits « ultrafiltrables » dont l’existence commençait à être pressentie et que l’on sait être aujourd’hui des virus.
C’est dans ce contexte qu’un vétérinaire américain, J.-S. Koen, nota des similitudes entre une grippe porcine qui faisait des ravages en 1919 et la grippe humaine. En 1923, le médecin américain Richard Shope (1902-1966) put inoculer la grippe porcine à des porcs grâce à des sécrétions respiratoires filtrées sur collodion (nitrate de cellulose) et constata que le sérum de patients ayant survécu à la grippe espagnole protégeait les porcs de la grippe porcine ; il montra en 1931 que la grippe porcine était bien due à un virus. Un grand pas fut alors franchi…
Il court le furet
En Angleterre, entre-temps, une équipe constituée du virologue Patrick Laidlaw (1881-1940) et du vétérinaire George Dunkin (1886-1942), puis de Christopher Andrewes (1896-1988) et de Wilson Smith (1897-1965), parvint à transmettre la grippe humaine… au furet, en protégeant du coup l’animal d’une nouvelle contamination. En 1936, un jeune chercheur de l’équipe, Charles Stuart-Harris (1909-1996), fut lui-même infecté par les éternuements d’un furet infecté : on isola de sa gorge le virus et il développa des anticorps protecteurs. Le virus de la grippe humaine fut ensuite rapidement isolé et observé au microscope électronique.
Mais le virus grippal n’avait pas livré tous ses secrets. En 1940, puis en 1951, on découvrit l’existence de nouveaux virus grippaux : les virus B et C s’ajoutèrent alors au virus grippal A, agent de la grippe saisonnière jusqu’alors seul connu. En 1941, le virologue américain George K. Hirst (1910-1994) observa que le virus grippal exprimait des substances capables d’agglutiner les hématies : ces « hémagglutinines » très diversifiées se liaient aux acides sialiques de la membrane des globules rouges mais aussi de celle des cellules du tractus respiratoire.
En 1949, Alfred Gottschalk (1894-1973), travaillant dans le laboratoire australien de Frank Macfarlane Burnet (1899-1985), découvrit qu’une enzyme du virus grippal pouvait séparer les agrégats globulaires en rompant les liaisons sialiques : il s’agissait d’une neuraminidase, elle-même variable. Ainsi, les travaux de Hirst et de Gottschalk permirent de classer les souches grippales A (épidémique), B et C en fonction des hémagglutinines (H1 à H17) et des neuraminidases (N1 à N9). Une nouvelle page de la saga ne devait pas tarder à s’ouvrir : celle de la vaccination antigrippale…
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