On doit à Robert Domenjoz (1908-1998), responsable de la recherche au laboratoire Geigy (Bâle), d’avoir encouragé la poursuite de travaux sur les iminodibenzyles, plus connues comme « tricycliques » qui mena le chimiste Walter Schindler à synthétiser en 1953 une série de composés N-hétérocycliques dérivée donc des recherches à l’origine de la découverte de l’imipramine ou de la chlorpromazine. L’un de ces composés, la carbamazépine (CBZ), fut testé sous le code G32883 tout d’abord dans le traitement de la dépression et de la psychose mais ne se révéla pas aussi actif que les tricycliques de référence - même s’il en partageait le profil d’effets indésirables -. Le screening animal suggéra en revanche qu’il pouvait s’agir d’un antalgique neurotrope et d’un anti-épileptique dont les propriétés anticonvulsivantes furent mises en évidence par les pharmacologues du laboratoire Geigy, Walter Theobald et Adolph Kunz, mais aussi par le neurophysiologiste Raúl Hernandez-Peón (1924-1968) à Mexico.
Le premier essai clinique évaluant l’activité de la CBZ dans la prise en charge pharmacologique de la névralgie du trijumeau fut publié en 1962 par un neurologue de l’université d’Uppsala, Sigfrid Einar Blom (né en 1929). Une comparaison vs placebo publiée par le neurologue anglais F. G. Campbell confirma en 1966 les données favorables accumulées dès cette époque. L’introduction de la CBZ dans le traitement des douleurs neuropathiques remis en question l’intérêt alors porté à la phénytoïne, utilisée dans cette indication depuis 1942. Depuis, la CBZ reste reconnue comme un antalgique majeur dans le traitement des névralgies du trijumeau et du glossopharyngien et, plus généralement, celui des douleurs neuropathiques.
Son activité anticomitiale fut, elle, testée cliniquement sur l’homme par des essais conduits dès 1959, impulsés notamment par le neurologue suisse B. Lustig et par Michel Bonduelle (1912-2013) : le chef du service de neurologie de l’hôpital Saint-Joseph à Paris fut en effet l’un des premiers à confirmer l’intérêt de la CBZ en épileptologie. Promise à un bel avenir en neurologie, la CBZ fut commercialisée en Suisse dès 1962 sous le nom de Tégrétol pour traiter les névralgies faciales, puis son AMM fut étendue en 1963 au traitement de l’épilepsie ; elle le fut en 1963 au Royaume-Uni dans le traitement des névralgies puis en 1965 comme antiépileptique. D’autres pays suivirent, mais la CBZ ne fut par contre mise sur le marché que bien plus tardivement en France et aux États-Unis, en raison d’un risque hématologique repéré dès 1965.
En psychiatrie aussi
Si le neurologue suisse M. Lorge avait observé dès le début des années 1960 l’activité psychotrope de la CBZ, il fallut attendre quelques années pour qu’elle gagne ses galons de thymorégulateur : elle n’en reste pas moins le premier anticonvulsivant utilisé en psychiatrie. En 1973, le psychiatre japonais Teruo Okuma (1926-2010) publia un rapport sur son action anti-maniaque curative et prophylactique, suivi en 1978 par le travail de deux Américains, James C. Ballenger J C et Robert M. Post, qui suggérèrent qu’une action « anti-kindling » (« anti-embrasement ») expliquait son activité chez le patient bipolaire comme chez le patient épileptique. La CBZ trouva naturellement sa place comme normothymique dès le début des années 1980.
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