Quelques heures après avoir ingéré une soupe à la citrouille au goût curieusement amer, une patiente se plaint de nausées et de vomissements qui durent une journée.
Une semaine après la fin de ces symptômes, elle constate une chute importante de cheveux par plaques, identique à celle observée après une cure unique de chimiothérapie. Un cas similaire a été observé chez une autre patiente ayant consommé de la courge. Dans les deux cas, les cheveux ont repoussé dans les mois qui suivent, avec de plus une Trichorrhexis nodosa, c’est-à-dire une cassure du cheveu à la hauteur de la région produite lors de l’intoxication.
Ces deux situations cliniques, décrites dans le « JAMA dermatology », sont des intoxications à la cucurbitacine. Très présentes dans les Cucurbita pepo (courges, courgettes, citrouilles, pâtissons etc.), et beaucoup moins dans les concombres, les cucurbitacines forment une famille de composés cytotoxiques spécifiques, comme leur nom l’indique, des cucurbitacées. De par leur activité anti mitotique, elles provoquent des nausées et des vomissements, mais aussi une chute de cheveux.
De telles intoxications sont « rares mais pas exceptionnelles », détaille le Dr Philippe Assouly, dermatologue du centre Sabouraud spécialisé dans la peau et les cheveux (hôpital Saint-Louis), auteur de l’étude de cas publiée dans le « JAMA ». « Ce risque d’intoxication reste méconnu, poursuit-il, et l’on ne fait pas toujours le lien entre trouble digestif massif, chute de cheveux et intoxication par les cucurbitacines. Une patiente de Grenoble m’avait contacté suite à une intoxication similaire. Des prélèvements avaient été faits car on craignait une infection par des salmonelles. La piste des cucurbitacines n’avait pas été explorée », précise-t-il.
Un phénomène qui prend de l'ampleur
« On ne retrouve pas grand-chose dans la bibliographie, explique le Dr Assouly. J’ai consulté les rapports de toxicologie en Allemagne et en Afrique. C’est un risque encore assez ignoré mais qui prend un peu d’ampleur avec l’augmentation de la mode des légumes que l’on cultive soi-même. À Heidelberg, en Allemagne, un homme est décédé après avoir mangé un gratin de courgettes ! »
Pour autant, le Dr Assouly estime que le risque d’intoxication n’est pas plus élevé avec les légumes achetés dans des filières prônant l’agriculture biologique. « Les 2 patientes que je décris dans le "JAMA" avaient acheté leurs légumes dans un magasin bio, mais j’ai depuis été contacté par une 3e patiente dont l’intoxication provenait d’un butternut acheté dans un supermarché », précise-t-il.
Il existe plusieurs raisons à la présence d’un taux élevé de cucurbitacines dans un légume. L’une d’elles implique la pollinisation accidentelle d’une espèce cultivée par le pollen d’une coloquinte sauvage, plus riche en toxine. Une autre réside dans le fait qu’un cucurbitacée est resté longtemps en terre. « Les citrouilles de fin de saison, surtout après des jours très chauds, sont donc théoriquement plus à risque, poursuit le Dr Assouly, mais une fois acheté, le taux de cucurbitacines descend si on garde le légume quelques jours à l’air libre et à température ambiante. »
Quel conseil donner aux patients ? « Si jamais un concombre, une courgette ou une citrouille a un goût amer, il faut arrêter d'en manger, répond le Dr Assouly. L'amertume est un signe caractéristique de la présence de cucurbitacines. »
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