« LA FÉDÉRATION française des diabétiques (AFD) a choisi le thème de l’innovation. Il est de son devoir de participer à la promotion de tout ce qui peut faciliter la vie quotidienne de la personne atteinte de diabète mais notre modèle économique ne facilite pas l’innovation, déclare en préambule Pierre-Albert Lefebvre, président de l’AFD. Il existe de nombreux freins : culturels, administratifs… Souvent, la prise en charge se heurte à la réduction des dépenses, tandis que l’évaluation ne se fait pas toujours avec les patients, d’où un manque de lisibilité pour le grand public. » Pour le Pr Éric Renard, de la Société francophone du diabète (SFD), l’innovation n’est pas en panne, elle progresse en permanence. « C’est l’accès à l’innovation qui est en panne. On dispose d’outils dont beaucoup se sont montrés efficaces, pourtant ils ne sont toujours pas disponibles. Inventer des choses ne sert à rien si on ne peut pas y avoir accès. Si les malades n’ont pas accès à la mesure du glucose en continu, il ne sert pas à grand-chose de développer le pancréas artificiel » (voir le « Quotidien du pharmacien » du 24 novembre).
Le financement des programmes de recherche est toujours un parcours extrêmement complexe ; le transfert vers la clinique, c’est-à-dire la recherche translationnelle, ne se développe pas assez rapidement ; enfin se pose le problème de la prise en charge de ces innovations par l’assurance-maladie. Depuis novembre 2000, la pompe à insuline est remboursée par la Sécurité sociale, en revanche, les systèmes de mesure continue du glucose ne sont pas encore remboursés, et c’est l’urgence. « Les outils sont validés, publiés dans les grands journaux et certains comités qu’on peut critiquer estiment que ce n’est pas si innovant que cela », déplore le Pr Pierre Fontaine, vice-président de la SFD.
Pour ne pas créer des inégalités de santé, les innovations doivent être mises à la disposition du plus grand nombre, ou tout au moins de ceux qui en ont besoin, médicalement et socialement. Elles doivent s’insérer dans les dispositifs de prise en charge actuellement en place. « La réalité est que nous voyons des patients qui ont des capteurs, soit parce qu’ils les ont payés eux-mêmes, soit parce qu’ils ont été payés par le budget de l’hôpital. Le surcoût est de 3 000 euros par an pour un diabétique de type 1. Cela peut éviter des comas hypoglycémiques, or l’intervention du SAMU pour un coma hypoglycémique coûte aussi 3 000 euros. »
Les associations en première ligne.
Il en est de même pour les systèmes rétroactifs qui permettent de savoir comment s’est comportée la glycémie pendant la nuit, des systèmes d’alarme avertissent le patient en cas d’hypo ou d’hyperglycémie. « Ces outils ne sont pas remboursés pour le moment malgré les nombreuses études ayant montré leur efficacité, ils sont particulièrement précieux pour avertir les parents que leur enfant a une hypoglycémie pendant la nuit. La panne est bien dans la prise en charge et non pas dans l’innovation elle-même » confirme le Dr Jean-Pierre Riveline, secrétaire général adjoint de la SFD.
Ce sont souvent les associations comme l’AFD qui font confiance les premières aux innovations et n’hésitent pas à financer certaines opérations, alors que les pouvoirs publics français demandent souvent que les scientifiques montrent d’abord leur savoir-faire avant d’accorder un financement. « Si les greffes d’îlots ne sont pas pratiquées actuellement, ce n’est pas par manque de disponibilité de pancréas mais parce qu’il n’y a pas de financement, puisque ce traitement n’est pas remboursé par l’assurance-maladie », reconnaît le Pr Pierre Cattan.
Évaluer le rapport entre coût et utilité.
« La Commission des dispositifs médicaux fonctionne sur le même principe que celle qui évalue les nouveaux médicaments », rappelle le Pr Jean-Luc Harrousseau, président de la Haute Autorité de santé (HAS). Dans le diabète, un certain nombre de dispositifs apportent des changements. Pour comparer avec ce qui existe, des études sont nécessaires, mais celles-ci sont de qualité variable et ne permettent pas toujours de trancher. « Il ne suffit pas d’avoir un médicament dont le principe d’action est génial, un smartphone qui fonctionne bien, il faut savoir si ça sert à quelque chose. Les grandes firmes ont les moyens de mettre en place de grandes études qui doivent pouvoir démontrer les apports nouveaux. L’évaluation doit être la plus quantifiée possible, afin d’éviter les interprétations subjectives, insiste le professeur. Un prix peut être très élevé quand il concerne peu de malades mais il ne le peut pas quand il concerne 100 000 malades, sans risquer de mettre en péril le système de santé français. La HAS est obligée de tenir compte des paramètres médico-économiques. » André Tanti, vice-président du Comité économique des produits de santé, reconnaît que les capteurs et les dispositifs de lecture du glucose en continu sont une amélioration pour le patient. La question est de savoir quelle population justifie une dépense qui multiplie par six environ le prix du suivi d’un patient, pour un bénéfice mineur. « Si on accepte ce type de produit sans cadre clair, on risque de se retrouver avec 50 000 patients qui vont se le faire prescrire, ce qui est insupportable pour l’assurance-maladie. Pour l’instant, nous n’avons pas jugé qu’il s’agissait d’une innovation vraiment majeure, justifiant de dépenser beaucoup d’argent. »
Il faut aussi que les patients se prennent en charge, l’observance est un vrai problème dans le diabète. Il s’avère que 4 à 5 % des patients sous pompe à insuline sont très mal observants, alors que le coût annuel d’une pompe est de l’ordre de 6 200 euros par patient. En 2013, environ 42 500 patients étaient équipés en pompe à insuline, contre 10 000 en 2006. « Avant de faire abandonner leurs bandelettes à un certain nombre de patients, il faut vérifier que les mesures sont justes, estime André Tanti. Les innovations qui arrivent ont toute notre attention mais nous devons nous assurer de la pertinence des dépenses pour la Sécurité sociale. »
Dans le domaine ambulatoire, le développement de la télémédecine se heurte aussi à l’absence de modèle économique robuste. Son impact sur la prise en charge des patients diabétiques n’est pas encore clairement établi et diffère selon les études. La prévention du diabète pourrait aussi être considérée comme une innovation, pour freiner le passage du prédiabète au diabète. « Nous réfléchissons avec des experts à ce que pourrait être le socle d’un programme de prévention. Tout cela dans un contexte budgétaire contraint », annonce le Dr Éléonore Ronflé, de la Direction des assurés à la CNAMTS.
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