« Nous avons identifié une façon prometteuse d’exploiter le potentiel anticancéreux des statines, une classe de médicaments largement utilisée pour prévenir les crises cardiaques et les accidents vasculaires cérébraux », précise au « Quotidien » le Dr David Fruman de l’Université de Californie à Irvine, auteur principal d’une étude publiée dans la revue « Science Translational Medicine ».
« Notre étude suggère que l’ajout d’une statine à la thérapie par le vénétoclax (Venclexta) dans le cancer du sang augmente le pourcentage de patients obtenant une réponse profonde et durable au traitement. Puisque les statines sont généralement des médicaments sûrs et bien tolérés, et relativement peu coûteux, cette stratégie pourrait améliorer le traitement du cancer avec des effets secondaires minimes et pour un coût raisonnable », précise-t-il. L’équipe envisage maintenant de conduire des essais cliniques prospectifs pour évaluer l’innocuité et l’efficacité de cette association et valider deux biomarqueurs permettant de sélectionner les patients susceptibles de répondre à l’association.
In vitro et chez la souris
« Il est reconnu depuis plus de 20 ans que les statines peuvent tuer certains types de cellules cancéreuses in vitro », souligne le chercheur. Comment utiliser cette observation pour améliorer le traitement des patients cancéreux ? « Notre étude montre que les statines améliorent la destruction des cellules cancéreuses par le vénétoclax », explique le Dr Fruman. La molécule a été approuvée récemment pour un sous-groupe de patients atteints de leucémie lymphoïde chronique (LLC).
L’équipe observe in vitro que les statines (par inhibition de l’enzyme HMG-CoA réductase) augmentent l’activité pro-apoptotique cytotoxique du vénétoclax (inhibiteur de bcl-2) envers des cellules cancéreuses de lymphome et de leucémie. De plus, dans un modèle murin du lymphome, l’association statine et vénétoclax s’avère plus efficace et allonge la survie.
Les chercheurs ont ensuite conduit une analyse rétrospective d’essais cliniques du vénétoclax dans la LLC. « En collaboration avec le laboratoire AbbVie qui a développé le vénétoclax, nous avons analysé les données des essais cliniques car de nombreux patients prenaient des statines pour des raisons indépendantes du traitement anticancéreux. Cette analyse a révélé que parmi les patients sous statines, un pourcentage significativement plus élevé (27 %) obtient une rémission complète, comparé à ceux ne prenant pas de statines (15 %). Ceci indique clairement que nos résultats in vitro et chez la souris sont pertinents pour les humains atteints de cancer du sang ».
Des essais prospectifs à venir
« Mon laboratoire travaille avec des cliniciens du Centre de cancérologie de l’Université de Californie à Irvine, pour organiser des essais cliniques prospectifs. L’objectif initial consistera à évaluer l’innocuité des statines associées au vénétoclax. L’objectif suivant sera d’évaluer si l’ajout de statines améliore la réponse clinique au vénétoclax. Nous n’avons pas encore décidé sur quels cancers du sang (LLC ou autres) porteront ces premiers essais cliniques. Par ailleurs, nous travaillons sur deux biomarqueurs prédictifs qui pourraient nous permettre de sélectionner les patients les plus susceptibles de bénéficier de l’association statines/vénétoclax. Notre prochaine étape aura pour but de valider ces biomarqueurs prédictifs dans les essais cliniques », conclut le Dr Fruman.
« Science Translational Medicine », 13 juin 2018, J. Scott Lee et coll.
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