ARCHÉTYPE de la maladie auto-immune non spécifique d’organe, le lupus est caractérisé par la présence d’anticorps dirigés contre divers constituants du noyau. Les cellules dendritiques plasmacytoïdes (pDC) ont un rôle majeur dans la production d’interféron durant les infections virales (un des facteurs favorisants du lupus) et elles représentent la source principale d’INF-α chez les patients présentant un LES, par un mécanisme faisant intervenir le récepteur CD32. Les Français se sont intéressés aux plaquettes qui, en raison de leur capacité à sécréter le CD154 (on retrouve des concentrations importantes de CD154 soluble dans le sérum des patients LES), participent à la réponse immune non spécifique. Le CD154 agit comme ligand du CD40, qui active lui-même les cellules dendritiques.
En analysant les plaquettes isolées chez des patients (n = 37) atteints de LES à des degrés divers de gravité, l’équipe de Patrick Blanco montre d’abord que les lysats plaquettaires provenant des patients en phase active de la maladie contiennent des concentrations moins importantes de CD154 que les échantillons prélevés chez les patients en période de quiescence. Ce qui suggère une relation entre la sévérité du lupus et la déplétion en CD154 associé aux plaquettes.
Le mécanisme de l’activation immunologique des plaquettes.
Les chercheurs ont ensuite étudié le mécanisme de l’activation immunologique des plaquettes. Cette activation, obtenue après l’incubation des plaquettes dans le sérum des patients LES, est inhibée par l’incubation préalable des thrombocytes en présence d’un anticorps monoclonal bloquant (mAB) du CD32. À l’inverse, le blocage de l’INF-α, du CD154 ou de l’interleukine-6 ne modifie pas l’activation plaquettaire par le sérum des patients. Ils en déduisent que cette dernière est induite par la liaison d’auto-anticorps au travers d’un mécanisme dépendant du récepteur CD32.
Les Français démontrent par ailleurs que l’augmentation de la sécrétion d’INF-α nécessite une interaction entre le CD154 exprimé à la surface des plaquettes activées et le CD40 des cellules pDC. Les plaquettes apparaissent ainsi avoir un rôle majeur dans la pathogenèse du lupus au travers d’une interaction avec les cellules dendritiques productrices d’INF-α, ce qui vient confirmer l’intervention de la voie des récepteurs CD154-CD40 dans la maladie.
Amélioration des lésions histologiques rénales.
Pour tester les implications thérapeutiques potentielles de cette découverte, les auteurs ont réalisé des expérimentations chez un modèle murin de la maladie, la souris NZBxNZW(F1). L’injection, à des souris de six mois, de mAB de rat à déplétion induite en plaquettes provoque, après six semaines, des lésions rénales (infiltrats interstitiels, lésions de glomérulonéphrite). Les Français observent que l’administration, à des souris NZBxNZW(F1) de deux mois, d’un antagoniste du récepteur P2Y12 (clopidogrel), connu pour réduire l’expression du CD154 au niveau des plaquettes, améliore les lésions histologiques rénales, ainsi que la survie globale des rongeurs.
Ces travaux fort prometteurs suggèrent donc que l’activation immunologique des plaquettes joue un rôle important dans le mécanisme physiopathologique du lupus au travers d’une formation accrue d’agrégats entre les thrombocytes et les cellules présentatrices de l’antigène (monocytes, cellules pDC). Cette interaction met en jeu la voie des récepteurs CD154-CD40. Les plaquettes pourraient ainsi être la cible de nouvelles approches thérapeutiques dans le LES, mais peut-être aussi dans d’autres maladies auto-immunes (polyarthrite rhumatoïde notamment) où l’on observe également une augmentation des concentrations en CD154 soluble.
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