ON NE S’ÉTONNERA PAS d’apprendre que le marché des édulcorants appartenait, à l’origine, au circuit pharmaceutique. Les produits qui le composent relèvent, en effet, de la sphère diététique et peuvent intéresser plus spécifiquement des profils pathologiques comme les personnes atteintes de diabète ou souffrant de surpoids. Ce n’est qu’à la fin des années 1980 que les édulcorants ont pu gagner la grande distribution, élargissant alors considérablement leur cible pour toucher le grand public. Si plus de 90 % du marché réside encore en GMS, il subsiste une offre au sein d’autres circuits aux nombres desquels figure la pharmacie.
On y trouve une offre courte dominée par trois substances, l’aspartame, la saccharine et l’extrait de stévia, dont l’arrivée récente dans le rayon a provoqué un certain engouement chez les consommateurs. Il faut dire que chaque ingrédient détient son lot de promesses et de déceptions.
L’aspartame, sans doute le plus célèbre des édulcorants, a un pouvoir sucrant 200 fois supérieur au sucre, mais il est instable à température élevée. Très controversé à une époque parce que soupçonné d’effets cancérigènes, il a eu un destin quelque peu chaotique, mais figure toujours dans la composition de plusieurs références.
La saccharine, pour sa part, est l’édulcorant historique du circuit pharmaceutique. Sa capacité à sucrer est 400 fois plus élevée que celle du sucre, mais son goût est taxé d’amertume par certains.
L’extrait de stévia, enfin, est la dernière substance à avoir fait son apparition sur le marché. Chaleureusement accueilli pour son origine naturelle, l’ingrédient, provenant d’un petit arbuste d’Amérique du sud, présente un pouvoir sucrant 300 fois supérieur au sucre mais laisserait un arrière-goût dans la bouche. Ses propriétés ont retenu l’attention des chercheurs qui l’étudient, entre autres, pour son effet possible sur l’hypertension et la glycémie. Comme ses congénères, l’extrait de stévia ne présente pas de risque cariogène, la plupart des édulcorants n’étant cependant pas recommandé aux enfants de moins de 3 ans ni aux femmes enceintes dans le cadre d’une consommation en grande quantité.
Objectif officine.
En dehors de ces discrètes précautions d’emploi - et de rares contre-indications pour certains - les édulcorants bénéficient d’un large champ d’action, capable d’intéresser le grand public comme des profils plus spécifiques de la population. Cette dualité est bien représentée par la marque Sucrettes, qui vise à la fois les personnes désireuses de ne pas consommer de sucre dans un souci esthétique, et la population des diabétiques. D’une façon générale, Mayoly Spindler, auteur du produit, a opéré un net recentrage sur les valeurs de santé véhiculées par le circuit pharmaceutique. La gamme des Sucrettes Enrichies, développée en 2007, est désormais abandonnée pour ne conserver que les Sucrettes authentiques dont la formule a été revisitée : toujours à base de saccharine, les comprimés, équivalents à un sucre ou deux sucres, sont dotés d’une plus grande résistance aux frottements et se comptent désormais au nombre de 350 par boîte distributrice. Outils d’aide au conseil pharmaceutique, présentoirs et leaflets d’information sur l’intérêt des édulcorants et la saccharine encadrent la courte gamme à l’officine. « Nous avons voulu remettre l’utilisation du produit dans un contexte plus médical et plus ouvert aux diabétiques », explique Franck Le Mercier, directeur marketing chez Mayoly Spindler, qui confirme l’appartenance de Sucrettes aux marques dominantes du marché officinal avec un million d’euros de chiffres d’affaires dégagé dans l’année. La pharmacie a également retenu l’attention de Teva Santé qui a confié au circuit la distribution exclusive de son édulcorant Aqualoz. Ambitieuse, la volonté du fabricant est tout simplement de rendre une part de ce marché à son détenteur originel, l’officine. « Notre produit a sa place dans un cadre de santé, expose le chef de produit, Johann Gigon. D’abord parce qu’il vise une population aux besoins spécifiques (diabétiques, personnes souhaitant réduire leur apport calorique, etc.) et ensuite parce qu’il répond à des critères de sécurité prouvés par plus de 110 études. » Formulé à base de sucralose, le produit sous forme liquide se dispense à l’aide d’un compte-gouttes, deux gouttes équivalant au pouvoir sucrant d’un sucre. Fortement ancré sur l’axe du plaisir et du goût, il est proposé à petit prix, en dessous de 4 euros, et conditionné en présentoir de comptoir, « idéal pour l’achat d’impulsion comme pour le conseil ».
Sucrer naturellement.
Concurrencer, au moyen du prix, l’offre présente en grande distribution, est aussi un des axes adopté par le laboratoire Diététique Nutrition et Santé pour positionner son produit, Bouillet Stévia. Mais la référence offre bien d’autres facettes : composée à partir d’extrait de stévia, elle offre une alternative aux édulcorants artificiels et vient compléter une gamme destinée à combler les besoins nutritionnels engendrés par des pathologies comme le diabète, l’hypertension ou les intolérances alimentaires. « La marque Bouillet, que nous avons relancée, a été développée dans un objectif de prévention et de nutrition », indique Hervé Davin, directeur de l’activité pharmaceutique. Dès que l’édulcorant naturel a été autorisé en France à la fin de l’année 2010, le dernier né de la gamme Bouillet a été lancé, sous forme de poudre, tout d’abord, avant d’être secondé en septembre dernier par les comprimés du même nom. « Le lancement initial a été un succès avec près de 50 000 unités vendues pour un marché qui, en pharmacie, peut compter entre 300 000 et 500 000 unités vendues par an. » Bien que modeste, ce marché a sa place en pharmacie, « tout particulièrement dans le cadre d’un service de proximité, pour dépanner un patient », estime Hervé Davin.
Les édulcorants font donc partie de l’offre que le pharmacien se doit de référencer, même en petite quantité.
Un avis que ne manqueront pas de partager les autres produits du rayon : Sucaryl (comprimés, granulés, solution buvable), chez Abbott France, est formulé à partir de cyclamate de sodium et saccharine sodique ; la gamme Canderel (Merisant) comporte deux références sous forme de comprimés, l’une à base d’aspartame (Original), l’autre composée d’extrait de stévia (Green). Depuis 2010, elle est secondée par la marque Pure Via (sticks et morceaux), également à base d’extraits de stévia, qui se destine aux consommateurs de sucre ; l’ingrédient naturel est aussi à l’honneur dans la composition de Silvia (comprimés, poudre, solution buvable) du laboratoire Les Trois Chênes.
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