« MAIS pourquoi Roselyne Bachelot, pourtant ministre de la Santé et toujours prompte à lutter contre le tabagisme, s’est-elle laissée aller en se disant plutôt favorable à la création de salles de consommation de drogues ? » se sont interrogés dans un texte publié le 9 août dernier, quinze députés UMP (quatorze dont Bernard Debré apparteniennent au Collectif Droite populaire). Ainsi commençait la polémique qui allait enfler au cours du mois d’août autour des « salles de consommation de drogues supervisées » que les députés, dans leur texte, qualifiaient de « salles de shoot ». Les parlementaires réagissaient à l’une des annonces de la ministre de la Santé, lors du Conférence
internationale sur le sida de Vienne, qui souhaitait, à la suite de l’expertise de
L’INSERM réalisée à sa demande, engager une concertation sur le sujet. « Pour les usagers de drogues, la France doit avoir une action renouvelée afin de mener une politique performante de réduction des risques », avait-elle indiqué. « L’INSERM, et, au-delà, la communauté médicale, a émis une recommandation favorable à la mise en place expérimentale de ce qu’il faudrait mieux appeler des “centres de consommation supervisés??. Nous allons donc prendre en considération cet avis rendu et engager une concertation avec tous les partenaires concernés et notamment les collectivités locales. Je sais que Marseille et Paris ont entamé, de leur côté, des réflexions sur le sujet », poursuivait-elle. Tenant à désamorcer toute ambiguïté, elle avait ensuite affirmé : « Je tiens à être très claire : ces dispositifs n’ont pas pour but de dépénaliser l’usage de drogue. Mais il s’agit ici, avant tout, d’un enjeu sanitaire qui est suffisamment crucial pour que nous nous mobilisions tous ensemble pour aboutir à des projets consensuels. J’y veillerai avec soin. »
Prévalence des hépatites C.
Dans le rapport de l’INSERM, les experts soulignent en effet que « la prévalence des hépatites C touchant près de 60 % des usagers, de nouvelles populations échappant aux dispositifs existants ainsi que la survenue de nouvelles pratiques à risque sont autant de paramètres imposant d’adapter la politique de réduction des risques » mise en place en France depuis vingt ans. Dans leurs recommandations, ils suggèrent de « promouvoir la cohérence et l’articulation des différentes politiques publiques sanitaires, sociales et pénales pour rendre efficace toute stratégie de réduction des risques » et proposent entre autres « d’élargir la palette des mesures et des approches ».
Dans le «?monde?» du 10 août, Étienne Apaire, président de la MILDT (Mission interministérielle de lutte contre la drogue et les toxicomanie, affirmait que « dans l’état actuel des connaissances, le gouvernement considère que les salles d’injection ne répondent pas vraiment à la demande d’un point de vue sanitaire ». Le lendemain, les services du Premier ministre confirmaient : « La priorité du gouvernement est de réduire la consommation des drogues en France, non de l’accompagner, voire de l’organiser », ajoutant même : « La mise en place de ces centres de consommation de drogues n’est ni utile ni souhaitable en France. » Cette déclaration du gouvernement était censée clore un débat qui transcendait les clivages politiques habituels puisque des membres de la majorité comme André Rossinot, maire de Nancy, médecin lui-même, souhaitaient la création d’un groupe de réflexion sur la question.
Toutefois, les services de Matignon ont accepté une rencontre avec les associations de professionnels et d’usagers réunis dans le Collectif du 19 mai. Lors d’une réunion présidée par le directeur de cabinet du Premier ministre, Jean-Paul Faugère, et son conseiller chargé des questions de santé, David Gruson, elles ont rappelé qu’il « s’agissait d’ouvrir, de façon limitée et contrôlée, un nouvel accès aux soins et de développer, en complément d’autres approches, un travail d’éducation et de santé ». Présente à cette réunion, Françoise Barré-Sinoussi a tenu à accompagner les membres du collectif. « En tant que scientifique, je m’appuie sur les données scientifiques », a-t-elle déclaré. Le prix Nobel de médecine a proposé que soit menée une relecture critique de l’expertise de l’INSERM, en présence des auteurs. Une proposition reprise par les associations qui, en attente d’une réponse, ont décidé de poursuivre leur action. Le collectif vient d’adresser une lettre au Premier ministre dans ce sens.
Un séminaire.
Du côté des politiques, le débat n’est pas clos. L’association Élus, santé publique et territoires (ESPT), présidé par le Dr Laurent El Ghozi, élu PS à Nanterre, conduit un séminaire sur la question. Experts et acteurs de terrain sont auditionnés, tandis que des visites sont menées dans certaines villes qui ont expérimenté ce type de salles afin « de fournir aux élus de quoi se forger une opinion au-delà de l’ignorance et des a priori idéologiques », souligne le Dr El Ghozi. Une restitution de ses travaux est prévue le 24 septembre de cette année.
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