« LA LÉTALITÉ de la grippe habituelle est estimée à environ 1 décès pour 1 000 cas (0,1 %), ce qui représente de l’ordre de 6 000 à 7 700 décès annuels en France ; 90 % de ceux-ci survenant chez les personnes de 65 ans et plus. » a d’abord souligné le Pr Daniel Levy-Bruhl, Directeur Général de l’Institut national de Veille Sanitaire (InVS). Et de rappeler qu’un excès de mortalité lors d’une pandémie peut résulter de deux mécanismes, à savoir une incidence plus importante du nombre total de cas (conséquence même du caractère pandémique de l’infection) liée à un taux d’attaque plus élevé que dans le cas de la grippe saisonnière (le taux d’attaque correspond au nombre total de malades rapporté à l’ensemble de la population à la fin d’une épidémie ou d’une vague épidémique) ou une létalité intrinsèquement plus élevée. Cette dernière a été de l’ordre de 2 à 3 % lors de la 2e vague de la « grippe espagnole » de 1918-1920, soit près de 30 fois plus forte que celle d’une grippe saisonnière.
Les simulations de l’InVS présentent différentes hypothèses. C’est ainsi, par exemple, que le « scénario optimiste » envisage un taux d’hospitalisation de 1 % (0,3 % pour la grippe saisonnière), dont 15 % seraient admis en réanimation, sans augmentation de la mortalité, et à hauteur de 2 % dans le « scénario pessimiste », dont 25 % en réanimation et un quintuplement de la mortalité à 0,5 %.
Un autre type de simulation prend en considération le taux d’attaque de la pandémie, dont nous sommes pour le moment, et pour cause, dans l’ignorance totale. Il en ressort que dans le « scénario optimiste » un taux d’attaque de 10 % - celui de la grippe saisonnière étant de l’ordre de 5 % - entraînerait un doublement du nombre de cas ainsi que de décès, mais aussi 20 fois plus de patients admis en réanimation, tandis qu’un taux à 30 % multiplierait par 6 le nombre de cas et de décès et par 60 celui des admissions en réanimation.
Dans l’hypothèse du « scénario pessimiste », un taux d’attaque de 10 % se traduirait par 10 fois plus de décès et 67 fois plus d’admissions en service de réanimation ; chiffres respectivement augmentés à 30 et 200 si le taux d’attaque montait à 30 %.
Un taux de létalité difficile à déterminer.
Selon le Pr Lévy-Bruhl, le taux de mortalité sera très difficile à déterminer en cours d’épidémie, tout à la fois en raison des limites d’enregistrement des cas par les systèmes de surveillance, de la proportion sans doute élevée des formes asymptomatiques, de l’identification incertaine des causes de décès en période de forte surcharge du système de soins et aussi de l’existence d’un décalage entre la notification des cas d’infections et la survenue des décès. Reste un indicateur pertinent représenté par l’excès de risque de décès, obtenu en comparant la proportion des décès dans un groupe particulier par rapport à l’importance de ce groupe dans la population générale. C’est ainsi que les données américaines disponibles montrent que le taux de décès des femmes enceintes représente 13 % des cas notifiés alors qu’elles constituent moins de 1 % de la population. Les chiffres concernant les nourrissons de moins de 6 mois étant respectivement de 0,4 et 0,7 %.
L’analyse des décès rapportés dans le monde montre par ailleurs que 65 % des décès concernent la tranche d’âge des 20 à 60 ans et que les pathologies métaboliques (diabète de type 2, obésité), viennent en tête (27 %) des facteurs de risque associés, suivis par les pathologies respiratoires et cardiaques (16 à 17 %).
Vers un élargissement de l’emploi des antiviraux ?
Ainsi que l’a fait remarquer le Pr Daniel Camus (Direction Générale de la Santé), « on est passé successivement d’un emploi d’abord systématique des antineuraminidases, dans un objectif d’endiguement espérant bloquer la propagation des virus, à une prescription conditionnée, ciblée sur les sujets à risque. »
De fait, comme l’a fait remarquer le Dr Jean-Marie Cohen, Coordinateur national des GROG, la quasi-totalité des cas de grippe n’est actuellement pas traitée par un antiviral. Mais, compte tenu du fait que le virus pandémique est devenu largement dominant, la question du traitement systématique des patients avec un antiviral apparaît sous un autre jour et pourrait faire l’objet d’une nouvelle recommandation. Celle-ci pourrait être publiée dans les jours qui viennent.
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