Et de deux. Il était temps. En 35 ans de recherche mondiale, un seul vaccin VIH s’était révélé prometteur jusque-là, sur quatre candidats expérimentaux testés chez l’homme.
Après le vaccin thaï RV144 et sa version améliorée, le vaccin anti-VIH mosaïque reste à son tour en lice chez l’homme. Ce 5e vaccin préventif a montré des résultats positifs de tolérance et d’immunogénicité dans l’essai APPROACH (phase I/II). Ils ont été publiés dans « The Lancet ».
Pour ce premier essai, l’équipe coordonnée par le Dr Dan Barouch du Beth Israel Deaconess Medical à la faculté de médecine de Harvard a inclus près de 400 individus âgés de 18 à 50 ans dans 5 pays différents (Ouganda, Rwanda, Afrique du Sud, Thaïlande, États-Unis).
Faire mieux que le RV144
Les chercheurs ont estimé l’efficacité attendue au travers d’une étude menée en parallèle chez 75 singes Rhésus, dont le profil d’immunogénicité s’est révélé identique à l’homme.
Jusqu’à présent, le vaccin RV144 testé en Thaïlande est le seul à avoir fait preuve d’une protection anti-VIH chez l’homme en phase III. Néanmoins il a déçu en passant d’une efficacité de 60,5 % à 12 mois à 31 % à 42 mois. Une version améliorée ciblant le clade C - même vecteur viral recombinant de la variole ALVAC enrichi avec 5 valences pour la protéine d’enveloppe gp120 - est actuellement testée en Afrique du Sud (Llaboratoires Janssen).
Un vaccin conçu pour être universel
Dans APPROACH, il s’agit d’un vaccin mosaïque avec un adénovirus 26 (Ad26) comme vecteur viral. Le terme mosaïque signifie que le vaccin exprime plusieurs immunogènes (Env, Gag et Pol) issus de différentes souches du VIH, ceci afin d’arriver à couvrir la diversité des souches de VIH à travers le monde. L’administration de ce vaccin Ad26.Mos.HIV est particulière puisqu’elle se décompose en 2 séquences, l’une avec l’injection de deux doses dites « prime » (à 0 et 12 semaines), la seconde avec 2 doses dites « boosters » (à 24 et 48 semaines).
Dans l’essai, les chercheurs ont testé des schémas différents en fonction de ces 2 doses « boosters » : vecteur Ad26.Mos.HIV ou celui de la vaccine modifiée Ankara (MVA) avec ou sans protéine gp140 du clade C adjuvanté en aluminium à haute dose (250 μg) ou à faible dose (50 μg). Au total, huit groupes ont été comparés : Ad26/Ad26+gp140 haute dose, Ad26/Ad26+gp140 faible dose, Ad26/Ad26, Ad26/MVA+gp140 haute dose, Ad26/MVA+gp140 faible dose, Ad26/MVA, Ad26/gp140 haute dose et placebo.
Une réponse immunitaire robuste
Concernant la tolérance, le profil était rassurant, l’effet secondaire le plus fréquent étant local (douleur au site d’injection) variant de 69 % à 88 % selon les groupes versus 49 % pour le placebo. Cinq sujets (1 %) ont présenté au moins un effet indésirable de grade 3 (douleurs abdominales et diarrhée, vertiges posturaux, augmentation des ASAT, dorsalgies, malaise).
À la semaine 52, le vaccin Ad26/Ad26+gp140 haute dose s’est révélé le plus immunogène chez l’homme, entraînant une réponse anticorps (Ac) spécifique Env (100 %), une réponse phagocytose cellulaire dépendante des Ac (80 %) et une réponse cellulaire T (83 %).
Dans l’essai préclinique, la réponse immunitaire chez le singe était comparable à celle observée chez l’homme, sur des critères de magnitude, de durabilité et de phénotype. La protection conférée contre le virus simien SIV était de 67 % après 6 expositions au virus.
Poursuivre la recherche à tous les stades
Les résultats de protection du vaccin Ad26/Ad26+gp140 sont très attendus chez l’homme. Un essai de phase 2b, l’essai Imbokodo, est en cours en Afrique sub-saharienne. Les résultats sont prévus pour 2021-2022. Dans un éditorial, le Dr George Pavlakis et le Dr Barbara Felber de l’Institut national du Cancer aux États-Unis font remarquer « qu’il reste à savoir si l’un ou l’autre des deux essais en cours gagnera en efficacité par rapport au RV144 ».
Aussi prometteurs que soient ces résultats, les deux spécialistes américains insistent sur la nécessité de continuer à diversifier la recherche à tous les stades. « De nouveaux concepts et vecteurs vaccinaux sont en développement et peuvent progresser jusqu’aux essais d’efficacité, écrivent-ils. C’est un processus important, car le développement d’un vaccin SIDA demeure une urgence. (...) La mise en place d’un vaccin VIH même modérément efficace en association avec les stratégies existantes pourrait grandement faire évoluer la réponse contre le VIH/SIDA ».
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