« Cette approche nous laisse espérer que nous pourrons développer un médicament à activité antivirale à large spectre dirigé non seulement contre le rhume mais aussi, peut-être, contre tous les entérovirus », explique dans un communiqué le Pr Jan Carette, microbiologiste à l’université Stanford en Californie et principal signataire de l’étude publiée dans « Nature Microbiology » (1).
Les entérovirus (EV), regroupant 9 espèces d’entérovirus et 3 de rhinovirus, sont responsables d’un nombre important de pathologies chez l’homme, parmi lesquelles : le rhume (la moitié des cas est due aux rhinovirus), des infections des voies respiratoires hautes (sinusites, pharyngites, otites) et basses (pneumonies, bronchiolites ou crises asthmatiques), des myocardites, mais aussi la poliomyélite, des méningites, des encéphalites, et depuis 2014 les mystérieuses apparitions de paralysie flasque aiguë (attribuées à l’EV-D68) observées aux États-Unis et en Europe.
Si l’on est si vulnérable au rhume c’est parce qu’il existe 160 types de rhinovirus. Avoir un rhume n’empêche donc pas d’en avoir un autre le mois suivant ; de plus, les rhinovirus mutent facilement et échappent dès lors à l’immunité conférée par une exposition antérieure ou un vaccin.
L'enzyme SETD3
En quête d’une approche antivirale, les chercheurs californiens ont choisi de cibler des protéines cellulaires de l’hôte qui sont indispensables à l’infection entérovirale.
Pour les découvrir, ils ont utilisé une méthode de dépistage génomique (CRISPR) permettant d’inactiver un par un chacun des gènes de notre génome dans des cellules
humaines en culture. Ces cultures ont été infectées par une large gamme d’EV, incluant le rhinovirus C15 (RV-C15) connu pour exacerber l’asthme chez l’enfant et des entérovirus non-polio liés de plus en plus souvent à des maladies neurologiques sévères, comme la paralysie flasque aiguë (EV-D68) et l’encéphalite virale
(EV-A71).
Ce dépistage a permis d’identifier un gène humain indispensable pour l’infection par ces entérovirus ; ce gène code une enzyme appelée SETD3 (SET domain containing 3) – une méthyltransférase permettant la méthylation des groupements histidines sur les protéines actines du cytosquelette cellulaire.
Les chercheurs ont montré que l’enzyme SETD3, indépendamment de son activité de méthylation, est indispensable pour la réplication ARN de multiples entérovirus (SETD3 interagit avec la protéine 2A virale).
Une réplication réduite
Les chercheurs ont travaillé sur une lignée de cellules humaines dépourvues de l’enzyme SETD3. Ils ont ainsi vérifié que divers entérovirus (EV-D68, poliovirus, 3 types de rhinovirus, et 2 virus Cocksackie responsables de myocardites) sont incapables de se répliquer dans ces cellules. Il a été observé une diminution de la réplication virale dans ces cellules par 1 000 en comparaison à une lignée cellulaire contrôle. L’inactivation de SETD3 dans des cellules épithéliales bronchiques infectées avec divers rhinovirus ou avec l’EV-D68 réduit la réplication de l’EV d’un facteur 100.
Enfin, l’équipe a montré que des souris dépourvues de l’enzyme SETD3, demeurant malgré tout fertiles et en bonne santé à l’âge adulte, sont protégées contre diverses infections EV, y compris les infections par les EV-A71 et EV-D68 qui sont normalement responsables d’encéphalite et de paralysie avec un pronostic rapidement défavorable.
L’identification de cette précieuse cible chez l’hôte est un premier pas. La prochaine étape consistera à développer un médicament pouvant inhiber temporairement l’interaction entre les entérovirus et la protéine SETD3 de l’hôte. Le Pr Carette espère que ce développement pourra être assez rapide.
(1) J. Diep et al., "Nature Microbiology", 10.1038/s41564-019-0551-1, 2019.
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