Selon le premier Observatoire français des usages actuels de substances psychoactives chez les étudiants (enquête COSYS), les étudiants français présentent une prévalence d’usage très élevée de poppers (13,2 % des étudiants et 7,5 % des étudiantes) et de protoxyde d’azote (6,2 % et 3 %). Ces données font de ces substances les produits psychoactifs les plus plébiscités par les étudiants après le cannabis. Ils sont principalement consommés dans un cadre festif et pour la pratique sexuelle.
Ces chiffres sont supérieurs à ceux relevés en 2017 dans le cadre de la même enquête : 10,4 % chez les hommes et 6,2 % des femmes affirmaient alors avoir consommé des poppers, et respectivement 5,8 et 2,8 % affirmaient avoir consommé du protoxyde d’azote à des fins récréatives.
Études concordantes
L’enquête COSYS est une étude nationale transversale fondée sur un questionnaire anonyme en ligne diffusé par les établissements de l’enseignement supérieur volontaires. Cet observatoire s’appuie sur plus de 78 000 réponses et confirme les données de la cohorte bordelaise i-Share et de l’étude ESCAPAD de 2014 de l’observatoire français des drogues et des toxicomanies. « Il est intéressant de noter que 3 études, avec 3 méthodologies différentes, parviennent à des résultats similaires : une tendance à l’augmentation de la prévalence de l’usage de ces produits psychotropes, explique au « Quotidien » la Dr Anne Batisse du Centre d’évaluation et d’information sur la pharmacodépendance et d’addictovigilance (CEIPA) Ile-De-France Centre. Le problème, c’est que ces deux produits ne font l’objet d’aucune réglementation particulière ».
Proposition de loi
« Initialement, le protoxyde d’azote médical était surtout détourné par le personnel de santé, ajoute le Pr Nicolas Authier, qui dirige la commission des stupéfiants et des psychotropes de l’ANSM. En tant que produit médical, il est inscrit sur la liste 1 des produits vénéneux, mais rien ne régule sa vente par l’industrie agro-alimentaire ou dans les cartouches de gaz pour siphon ».
Or le protoxyde d’azote présente un risque d’addiction. Près de 1 % des étudiants consommateurs interrogés se déclarent « dépendants » et un possible syndrome de sevrage est suspecté chez 1,7 % des étudiants. « Le principal risque réside dans le surdosage et l’anoxie, explique le Dr Batisse. Contrairement au protoxyde d’azote médical, il n’y a pas d’oxygène dans les cartouches disponibles dans le commerce ».
En 2016, deux cas de dépendance et un décès lié au protoxyde d’azote, suivi d’un cas de myélite cervicale aiguë début 2018 ont conduit l’ANSM à dresser un bilan officiel d’addictovigilance : 11 notifications spontanées ont été signalées entre septembre 2016 et décembre 2017. Lorsqu’elle est renseignée, la forme du protoxyde d’azote consommé est toujours du protoxyde d’azote non médical.
Le 16 janvier dernier, les députés du groupe « La France Insoumise » ont déposé une proposition de loi visant à interdire la vente de ce produit aux mineurs, et à mettre en place une signalétique et des actions de prévention spécifiques. Le texte atteindra cependant difficilement la commission des affaires sociales, comme le constate le député Ugo Bernalicis, son premier auteur : « Il y a une opposition du gouvernement, alors que le texte bénéficie d’un large soutien des élus et des députés de tous bords ». Le sénateur du LREM du Nord Frédéric Marchand a d’ores et déjà annoncé qu’il proposerait une copie conforme du texte au Sénat.
La DGS a pour sa part affirmé au « Parisien » qu’une interdiction de vente aux mineurs lui paraissait « inefficace », aux motifs que « le problème, ce ne sont pas les cartouches mais l’inhalation de ces gaz », et que « ce phénomène inquiétant se développe dans des milieux très variés et pas seulement chez les mineurs ».
En ce qui concerne les poppers, les tentatives de régulation de sa vente ont été cassées par le Conseil d’État. Le 4 juin 2013, ce dernier a annulé l’arrêté de juin 2011 interdisant l’offre et la vente de produits non médicamenteux contenant des nitrites d’alkyle. Le Conseil d’État avait été saisi par le Syndicat national des entreprises gaies (Sneg) et les sociétés New Millenium et Men’s Club. Depuis, les poppers sont disponibles... dans les bureaux de tabac et certaines boutiques de liquide pour e-cigarette.
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