On savait déjà que les isothiocyanates, et le sulforaphane en particulier, principe actif du brocoli comme de quelques crucifères, étaient des molécules d’intérêt pour la prévention de certains cancers, dont ceux de la prostate. La difficulté était de stabiliser sa forme précurseur, extraite de la graine. On ne peut pas tabler en effet sur le légume lui-même, « la teneur en principe actif, instable et thermolabile, dépend des conditions de culture du brocoli, de sa fraîcheur, de sa cuisson, de la mastication et des enzymes digestives propres à chacun », prévient Théo Efstathiou, biologiste et directeur du département Recherche et Développement de Nutrinov.
Le centre de recherche en santé et nutrition du groupe breton Triballat-Royal a donc réussi, après 15 ans de travaux, à stabiliser le sulforaphane sous sa forme active, l’a encapsulé « et surtout fait la preuve de concept, souligne le Pr François Desgrandchamps, chef du service d’urologie à l’hôpital Saint-Louis (Paris), grâce à une étude clinique de supplémentation multicentrique française, contrôlée versus placebo, chez des patients ayant subi une prostatectomie totale et en récidive biologique ». Le traitement comprenait l’administration orale quotidienne de 6 comprimés de Prostaphane, la forme brevetée par Nutrinov de sulforaphane, dosés à 10 mg (l’équivalent de 100 à 200 g de brocoli cru).
Le complément alimentaire permet d’abaisser la pente d’évolution du PSA (antigène spécifique de la prostate) de 43 % par rapport au placebo ; il augmente de 86 % le temps de doublement du PSA. Il est efficace dès trois mois et le reste deux mois après l’arrêt du traitement – temps d’observation inclus dans l’étude. Celle-ci a été présentée au congrès de l’ASCO en 2014, et a été publiée en août dans « Cancer Prevention Research ». Le produit était bien toléré et l’observance parfaite. La testostéronémie est restée stable dans le temps et comparable dans les deux groupes.
Parce que le taux de PSA dicte la conduite du médecin en matière d’hormonothérapie en cas de récidive biologique, Prostaphane permet de différer un traitement non dénué d’effets secondaires, ce qui constitue déjà un bénéfice. Le complément alimentaire pourrait par conséquent être indiqué pour ralentir l’évolution d’un cancer prostatique en récidive biologique (30 % des patients prostatectomisés) et « peut-être, suggère le Pr Desgrandchamps, les hommes à qui l’on a dépisté un cancer, non opérés, qui sont sous surveillance active de leur cancer prostatique, via le PSA notamment ».
Le sulforaphane, un antioxydant, détoxifie ; il limite les phénomènes de carcinogenèse. Par ailleurs, il freine la prolifération des cellules tumorales et facilite leur apoptose. Il inhibe également l’activité des cellules souches cancéreuses prostatiques. Enfin, « il serait doté d’une activité épigénétique, rapporte Théo Efstathiou, inhibant la méthylation, activant des micro-ARN, et ainsi régulant les gènes de l’homéostasie cellulaire ».
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