LA TOXINE BOTULIQUE est actuellement employée pour traiter diverses affections neurologiques, telles que le strabisme ou le blépharospasme. On met en cela à profit le tropisme neuronal de cette toxine et, plus précisément, sa capacité à cliver les récepteurs des protéines de liaison solubles sensibles au N-éthylmaléimide (SNARE). Certains avaient déjà tenté de modifier la structure de la TB afin de lui permettre d’agir sur des cellules autres que les neurones et, donc, d’étendre ses applications thérapeutiques, mais ces tentatives s’étaient heurtées à l’écueil que représente la nécessité de réorienter l’activité catalytique de la toxine sur des isoformes de SNARE non neuronales.
C’est le défi qu’a relevé avec succès l’équipe de J. T. Barbieri (Milwaukee, États-Unis) pour l’isoforme SNAP23 qui régit les processus d’exocytose cellulaire sous-tendant notamment la sécrétion d’anticorps, d’insuline, d’acides gastriques, mais aussi celle de mucus dans les voies aériennes.
Obtention d’un mutant génétique ciblé.
Il existe sept sérotypes de toxine botulique, désignés par les lettres A à G, qui comportent chacun trois domaines fonctionnels : une chaîne légère N-terminale qui est une métalloprotéase à zinc, un domaine de translocation et un domaine C-terminal de liaison aux récepteurs. Chaque sérotype assure le clivage de SNARE spécifiques. Il a ainsi été établi que la toxine botulique de type E clive l’isoforme neuronale humaine SNAP25, mais n’a pas d’action sur l’isoforme non neuronale SNAP23. Cette observation, jointe à un faisceau de données convergentes, a servi de base aux travaux entrepris pour déterminer sur quelles isoformes les différents sérotypes de toxine botulique agissent spécifiquement.
Par un procédé de modélisation moléculaire, Barbieri et coll. sont parvenus à concevoir un mutant de la chaîne légère de la toxine botulique de type E, CL/E (K224D), qui se lie sélectivement à l’isoforme SNAP23 pour la cliver. Ces chercheurs ont ensuite étudié l’activité respectivement exercée par la CL/E non mutée et la CL/E(K224D) sur des cultures de cellules épithéliales de lignée HeLa. Ils ont ainsi constaté que, contrairement à la CL/E de type sauvage, la CL/E(K224D) avait la capacité de cliver la SNAP23 endogène au sein des cultures cellulaires.
Inhibition de l’activité sécrétoire.
Les investigateurs ont ensuite étudié l’effet engendré par le clivage de SNAP23 sur l’activité sécrétoire des cellules HeLa. De fait, alors que l’addition de TNF-alpha aux cultures témoins a induit, comme attendu, la sécrétion de mucine et d’IL-8 par ces cellules, le pouvoir sécrétoire des cellules transfectées par la CL/E(K224D) s’est révélé fortement diminué. Cette observation confirme l’hypothèse selon laquelle l’isoforme SNAP23 jouerait un rôle dans le processus d’exocytose des cellules épithéliales.
L’intérêt du travail de cette équipe américaine est double : il démontre, d’une part, qu’il est possible de modifier génétiquement la toxine botulique afin de la faire agir sur des cibles non neuronales et, d’autre part, que, en réorientant son activité de façon appropriée, elle pourrait être utilisée dans le traitement de pathologies marquées par une hyperproduction néfaste de mucus et plus particulièrement dans les affections respiratoires, telles que la broncho-pneumopathie chronique obstructive, l’asthme ou même la mucoviscidose.
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