« Sur les pistes, même la recherche de la sécurité a aujourd’hui des effets pervers », déplore le Dr Emmanuel Cauchy ; le fondateur-directeur d’Ifremmont (institut de formation et de recherche en médecine de montagne), guide de haute montagne à Chamonix, cite deux exemples : « L’arasement des bosses, destiné à réduire les risques, a provoqué en fait l’augmentation de la vitesse et aggravé le nombre et la violence des collisions. Dans le même temps, les meilleure performances des remontées mécaniques, plus sûres car débrayables, ont accru les cadences des descentes, alimentant un trafic forcément plus accidentogène. »
Le perfectionnement du matériel est aussi un facteur aggravant : « Avec les skis paraboliques [skis « à taille de guèpe», NDLR], nous traitons de plus en plus de ruptures de ligaments latéraux internes des genoux, la courbe est exponentielle depuis quelques années », observe le Dr Guillaume Fournier, médecin à la station des Arcs (Savoie). Les vitesses s’envolent, même pour les skieurs inexpérimentés, avec une violence cinétique accrue en cas de choc. « Les miniskis, faute de système de fixation sécurisés, ont pendant des années provoqué des fractures de jambes avec des fracas osseux effroyables, de vrais puzzles », se souvient le Dr Christophe Hoareau, médecin chef des urgences du CH de Bourg-Saint-Maurice (Savoie). En prime, se sont développés de nouveaux sports de glisse, tous plus extrêmes les uns que les autres. Et sans tenter de s’envoler en snow-kite, le skieur de base a maintenant des envies de plaisir risquées : il faut être le premier à faire sa trace dans la neige vierge, au mépris des risques d’avalanche. Ces nouveaux comportements sont autant de facteurs très péjoratifs : « Les incivilités s’y ajoutent, de plus en plus fréquentes, remarque le Dr Fournier, sur les pistes, c’est devenu comme dans les cités, avec accrochages et délits de fuite en pagaille. Sans parler des phénomènes d’alcoolisation parmi les jeunes et les saisonniers. »
Les équipements individuels de sécurité sont-ils mieux diffusés cependant ? Oui, « mais ils n’améliorent pas forcément la sécurité, nuance le médecin des Arcs : les protections de poignets à double plaque métal, qui avaient fait disparaître les traumas des poignets des surfeurs, ont été remplacées par des protections à plaque unique, moins chères à produire mais vendues au même prix, et dépourvues de réelle efficacité. » Depuis l’accident de Schumacher, on voit beaucoup plus de casques, « sauf que, déplore le Dr Hoareau, leur prix (80 à 100 euros) reste rédibitoire pour beaucoup. »
Comment toutes ces données impactent-elles la courbe des accidents ? L’association Médecins de Montagne (MdeM), qui collationne les fiches-blessés de ses 60 adhérents présents dans 35 stations, mesure une légère hausse, pour le ski alpin et recense pour la dernière saison 150 000 blessés, avec un risque accru pour les débutants. Problème, MdeM ne voit pas les traumas acheminés vers les hôpitaux. Le Système national d’observation de la sécurité en montagne (SNOSM), alimenté quant à lui par les services de secours des stations, via les préfectures, a totalisé l’an dernier 23 553 accidents, 1 % de plus que la saison précédente. Problème, le SNOSM ignore les accidents pour lesquels les victimes se rendent directement chez le médecin ou à l’hôpital. De surcroît, déplore l’InVS dans une analyse publiée en avril 2009, à la différence de MdeM, ce système ne renseigne pas sur le niveau et la nature de gravité médicale, hormis les décès (30 l’an dernier, dont 21 d’origine traumatique). « Aujourd’hui, la France ne dispose d’aucun recueil exhaustif, constate le Dr Cauchy et personne ne peut dire dans quel sens et dans quelle proportion évolue l’accidentologie. » Pour tenter de pallier cette carence l’Ifremmont a lancé en 2012 Resamont 2, un observatoire d’accidentologie dans le massif du Mont-Blanc, alimenté par des fiches descriptives des patients des urgences des CH de Sallanches et Chamonix. « L’observatoire fournit des résultats exhasutifs et médicalement circonstanciés. C’est un baromètre, enfin, souligne le Dr Cauchy, à partir d’un échantillonnage dans le massif le plus élevé d’Europe. Mais rien ne garantit la reconduction des budgets pour pérenniser l’outil », s’inquiète son créateur.
La dernière étude publiée par l’InVS sur les accidents de sports d’hiver remonte à 2003. L’épidémiologie des neiges est en panne. Comme la prévention.
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