Ainsi que l’a rappelé le Pr Claude Monneret, président de l’Académie, « la lutte contre la douleur est devenue un droit fondamental, une volonté éthique et humaniste. La loi de 2004 relative à la politique de santé publique l’a d’ailleurs inscrite dans les 100 objectifs de santé publique ».
Une pharmacopée centenaire, voire millénaire
Le Pr Alain Eschalier (professeur de pharmacologie à la faculté de médecine/CHU de Clermont-Ferrand, président de l’Institut Analgesia) a souligné que la pharmacopée des antalgiques est tout à la fois ancienne (l’opium et donc la morphine sont utilisés depuis plus de 3 000 ans, tandis que l’aspirine et le paracétamol sont employés depuis plus d’un siècle), de plus en plus restreinte (du fait du retrait de plusieurs molécules, comme le dextropropoxyphène, le tétrazépam…), d’efficacité incomplète, présentant des risques (toxicité en cas de surdosage) et source de mésusage, d’abus et d’addiction. S’y ajoute des restrictions d’emploi (clonazépam, codéine, diclofénac) et une liste de produits sous surveillance qui ne cesse de s’allonger (tramadol, fentanyl).
Pour autant, l’heure ne doit pas être à la résignation en raison de l’existence de réelles perspectives.
Une recherche fondamentale riche
Les mécanismes complexes, de mieux en mieux connus, impliqués dans la douleur sont source d’un nombre considérable de cibles, la difficulté étant de passer de l’évolution des connaissances à la mise sur le marché de médicaments efficaces.
C’est ainsi, par exemple, que des travaux menés en 1994 sur des modèles animaux ont montré une baisse de l’hypersensibilité douloureuse avec des anticorps monoclonaux anti-NGF comme le tanezumab (le NGF, ou facteur de croissance des nerfs, est considéré comme un nouveau médiateur de l’inflammation) ; avec une baisse de 60 % des scores de douleur arthrosique. Ces produits sont actuellement en essais cliniques.
Les espoirs de la recherche translationnelle inverse
« Nous pensons qu’il faut davantage baser la recherche sur l’observation du patient, ce que l’on appelle la recherche translationnelle inverse : du lit vers la paillasse avant de revenir au lit et non pas l’inverse », a indiqué le Pr Eschalier.
Aujourd’hui, beaucoup de travaux sur la douleur sont réalisés chez l’animal sain.
Si cela représente une étape essentielle, il faut aller plus loin et travailler aussi sur la pathologie qui sous-tend la douleur. Il faut une similarité étiologique. Si on s’intéresse aux neuropathies chimio-induites, il faut induire une neuropathie chez des animaux de laboratoire. Les chercheurs disposent aujourd’hui de tests adaptés, y compris chez les rongeurs, rendant possible l’évaluation des dimensions cognitives, affective et émotionnelle de la douleur.
Le tremplin des « valeurs sûres »
Sans épuiser le sujet, une démarche qui se révélera peut-être très féconde consiste à se focaliser sur les cibles des antalgiques déjà utilisés, afin de développer des approches totalement innovantes. Un exemple emblématique est représenté par le paracétamol.
C’est ainsi que des travaux menés à Nancy en 1992 ont montré qu’on en retrouve des quantités importantes dans le liquide céphalo-rachidien, avec exactement la même cinétique d’élimination, ce qui signifie qu’il passe très bien la barrière hémato-encéphalique.
Un autre travail, suédois, a montré en 2005 que le paracétamol subit, à côté des voies métaboliques classiques, un métabolisme particulier, celui du p-aminophénol, qui passe la barrière hémato-encéphalique et est transformé par la FAAH (Fatty acid amide hydrolase) pour engendrer un produit d’addition avec l’acide arachidonique, l’AM404.
Les chercheurs de l’équipe du Pr Eschalier ont notamment montré que cet AM404 est capable d’activer une structure particulière, la substance grise péri-aqueducale (située dans le mésencéphale) en imagerie fonctionnelle. L’idée directrice est de préparer des substrats de la FAAH qui pourraient être de potentiels antalgiques.
S’agissant des morphiniques, dont un grand enjeu est de parvenir à dissocier les effets antalgiques des effets indésirables, l’équipe du Pr Eschalier a mené des recherches sur les canaux potassiques TREK, dont on pense qu’ils sous-tendraient les effets analgésiques mais pas les effets indésirables, qui ont conduit à la synthèse d’activateurs directs de ces récepteurs. Une série de candidats médicaments, actuellement en développement, montrent une activité antalgique proche de celle de la morphine dans la douleur post-opératoire, ainsi que dans les douleurs inflammatoires, et cela sans effet constipant.
D'après une séance de l'Académie nationale de pharmacie
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