PrEP et VIH

La prophylaxie ne doit pas faire oublier le préservatif

Par
Publié le 27/06/2019
Article réservé aux abonnés
Disponible en France depuis 2016, la prophylaxie pré-exposition (PrEP) confirme son efficacité pour lutter contre l’infection au VIH. Toutefois, dans un contexte de la hausse des cas d’infections sexuellement transmissibles (IST), la promotion de cet outil de prévention ne doit pas se faire au détriment du préservatif, seul moyen qui a fait ses preuves pour prévenir l’ensemble des IST.
prep

prep
Crédit photo : SEBASTIEN TOUBON

« L’efficacité en vie réelle de la prophylaxie pré-exposition (PrEP) est excellente et la tolérance est très bonne, s’enthousiasme le Pr Jean-Michel Molina, chef du service maladies infectieuses de l’hôpital Saint-Louis (AP-HP) et coordinateur d’études ANRS qui ont montré l’efficacité de la PrEP. Aucune infection au VIH n’a été rapportée en France depuis sa mise en place en 2016 chez les personnes qui la prennent régulièrement. »

Ces bons résultats ne doivent pas faire oublier, comme le rappelle la Haute autorité de santé dans un document de bon usage du médicament publié en mai,  que la PrEP est un outil complémentaire de la stratégie de prévention de l’infection par le VIH et que « le préservatif est l’outil le plus efficace pour prévenir à la fois l’infection par le VIH et les autres infections sexuellement transmissibles (IST) ».

En France, la PrEP dispose d’une autorisation de mise sur le marché  (AMM) pour le schéma avec prise quotidienne d’un comprimé à base d’emtricitabine/ténofovir disoproxil (Truvada et ses génériques) ; la prise à la demande hors AMM est également possible. Avant cette AMM, la PrEP a fait l’objet d’une recommandation temporaire d’utilisation (RTU) entre janvier 2016 et février 2017. Dans un rapport de juillet 2018 visant à évaluer cette RTU, l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS) estimait que les retards pris dans la mise en œuvre de la PrEP en France seraient responsables de 350 contaminations évitables alors que la France a été le deuxième pays au monde à avoir approuvé le PrEP.

Le VIH n'a pas disparu

Aujourd’hui, les « PrEPeurs » sont entre 12 000 et 15 000 en France. Un nombre encore trop peu important pour avoir un réel impact sur l’épidémie de VIH. « Et c’est encore faible par rapport aux besoins », déplore le Pr  Molina. Selon Santé publique France, environ 6 400 personnes ont découvert leur séropositivité en 2017 en France. Un chiffre stable depuis 2010. « Le sida n’a pas disparu, insiste le Pr Molina, qui appelle à la prudence malgré des messages trop optimistes, on meurt moins du sida, et c’est une très bonne nouvelle, mais cela ne doit pas faire oublier que l’infection au VIH reste une maladie à vie. Si le risque n’est pas compris, le message ne passera pas. » Le Pr Molina appelle les pouvoirs publics à lancer des campagnes de prévention afin que toute personne à risque utilise la PrEP et/ou le préservatif.

Aujourd’hui, ce sont principalement des hommes ayant des rapports sexuels avec des hommes qui sont sous PrEP. « Il faudrait l’étendre à d’autres personnes à haut risque, comme les hétérosexuels exposés au VIH », estime le Pr Molina. Le développement de la PrEP dépend notamment d’une meilleure formation des médecins traitants. À noter que ces derniers sont habilités à renouveler l’ordonnance de la PrEP dans le cadre du suivi trimestriel obligatoire.

Approche globale

La PrEP s’inscrit en effet dans une approche globale de la santé sexuelle des individus, avec notamment un dépistage régulier des IST. « La PrEP n’est pas renouvelée si la personne ne se fait pas dépister », précise le Pr Molina. Un aspect non négligeable alors que les IST sont en hausse depuis une dizaine d’années. Plusieurs facteurs peuvent expliquer ce phénomène : une moindre crainte des IST, moins de moyens alloués à la prévention, des partenaires multiples…

« Avec l’explosion des IST, le risque de résistance aux antibiotiques est à craindre », souligne le Pr Éric Caumes, chef du service de maladies infectieuses et tropicales à la Pitié-Salpêtrière, qui estime que la promotion de la PrEP envoie un mauvais message : « dans ce contexte, le bon sens et l’expérience des années pré-sida devraient conduire à s’interroger sur l’intérêt de la PrEP et à revenir à la promotion du safer sex, c’est-à-dire aux fondamentaux de la prévention des IST qui ont montré leur efficacité : usage du préservatif, réduction du nombre de partenaires, respect de la fidélité réciproque… ».

Il s’étonne par ailleurs que la PrEP soit remboursée à 100 %, quand les préservatifs ne bénéficient que du remboursement à 60 % pour deux marques. « Alors que nous disposons du préservatif, un outil efficace contre l’ensemble des IST, il est surprenant qu’un médicament coûteux à prendre quotidiennement soit davantage promu que le préservatif », regrette-t-il, soulignant par ailleurs que quelques cas de résistance au traitement ont été rapportés.

En Australie, le préservatif en baisse

Pour le Pr Molina, la PrEp est l’occasion de remettre en avant le préservatif. Une sensibilisation nécessaire, en particulier auprès des plus réticents à l’usage du préservatif, alors qu'une étude parue dans « The Lancet HIV » en juin 2018 (1) montre que le recours à la PrEP s’accompagne d’une baisse de l’utilisation du préservatif en Australie, ce qui fait craindre une recrudescence encore plus importante des IST. Une diminution des cas de VIH a toutefois également été observée en Australie grâce à la PrEP.

Alors que l’OMS recommande de proposer la PrEP aux personnes à risque dans le cadre d’une prévention globale, une tribune parue en mars 2019 dans le Hufftington post prône également l’utilisation de la PrEP : les signataires – parmi lesquels le Pr Françoise Barré-Sinoussi, prix Nobel de médecine en 2008 pour la co-découverte du VIH et présidente de Sidaction, et le Pr Fançois Dabis, directeur de l’ANRS – estiment que « combattre la Prep, c’est faire le choix de la peur et de la morale, plutôt que celui de la science et de la santé publique ».

M. Holt et al., " The Lancet HIV" ; doi: 10.1016/S2352-3018(18)30072-9,2018.

Charlène Catalifaud

Source : Le Quotidien du Pharmacien: 3531