« C’EST LA PREMIÈRE CELLULE synthétique créée, et nous l’appelons ainsi car la cellule est totalement dérivée d’un chromosome synthétique, fabriqué avec 4 fioles de composés chimiques sur un synthétiseur chimique, en partant de données informatiques du code génétique », explique le Dr Craig Venter, fondateur du Craig Venter Institute (à Rockville dans le Maryland et à San Diego en Californie). « Cela procure un outil très puissant pour tenter de concevoir ce que nous voulons que la biologie fasse et nous avons déjà en vue une large gamme d’applications. »
« C’est une étape importante de notre point de vue, à la fois scientifiquement et philosophiquement. Cela a certainement changé ma vue sur les définitions de la vie et sur la façon dont la vie fonctionne. »
Cet accomplissement est le fruit d’un travail débuté il y a quinze ans (1995), lorsque l’équipe réussit à séquencer les 2 premiers génomes bactériens, dont le plus petit génome d’une bactérie connue (Mycoplasma genitalium).
Les chercheurs se fixèrent alors pour objectif d’essayer de comprendre quels sont les composants fondamentaux de la vie, en créant une cellule qui n’héberge que les gènes indispensables. Ils savaient déjà après avoir inactivé un par un les 485 gènes codant de M. genitalium, qu’une centaine était nécessaire. Dans cet effort, il leur a fallu développer des stratégies pour synthétiser des segments d’ADN, puis les assembler en longue molécule d’ADN, pour enfin synthétiser le génome de M. genitalium (500 000 paires de bases).
Dans l’étude présente, l’équipe a employé ces méthodes déjà établies pour créer une cellule contrôlée uniquement par un génome synthétique. Les chercheurs ont pour cela abandonné M. genitalium, de croissance trop lente, et se sont tournés vers 2 bactéries à croissance plus rapide : M. mycoide et M. capricolum.
Génome synthétique de M. mycoide.
Ils ont tout d’abord synthétisé et assemblé le génome de M. mycoide composé d’un million de paires de bases ; puis ils l’ont transplanté dans une cellule réceptrice M. capricolum, dont le propre génome avait été retiré, créant ainsi de nouvelles cellules M. mycoide qui sont contrôlées uniquement par le chromosome synthétique.
Le seul ADN dans ces cellules est la séquence d’ADN synthétique conçue par les chercheurs, qui est une copie presque conforme du génome du M. mycoide à la différence qu’elle contient : 1) des séquences « marqueurs » (« watermark ») pour prouver l’origine synthétique, qui vont jusqu’à inclure les noms des chercheurs de l’équipe, le nom d’un website et trois citations philosophiques ; 2) des délétions et polymorphismes de gènes qui visent à assurer une parfaite sécurité et empêcher que la bactérie ne puisse croître en dehors du laboratoire?; 3) et, enfin, quelques mutations naturellement acquises durant le processus de construction.
Après transplantation du génome et réplication, les nouvelles cellules M. mycoide synthétiques ont pris, comme prévu, toutes les propriétés des cellules M. capricolum, ne contenant plus aucune des protéines qui étaient présentes dans la cellule de départ, et lisant le nouveau code génétique (leur « software ») pour fabriquer leurs protéines. De plus, elles se divisent de façon prolongée. Ces travaux de biologie synthétique ont été considérablement encadrés par des examens et des discussions bioéthique de nombreux organismes à travers le monde, a souligné le Dr Venter. « Je pense que c’est la première fois en science où l’examen bioéthique approfondi a pris place avant que les expériences soient entreprises. C’est un processus en cours que nous avons entretenu, pour essayer de s’assurer que la science procède de manière éthique et que nous avons bien réfléchi à ce que nous faisons et à ce que nous attendons des implications pour le futur. »
De nombreuses applications sont attendues.
Les chercheurs entrevoient de nombreuses applications de la génétique synthétique. La technique pourrait dès à présent être utilisée pour accélérer la fabrication des vaccins, et les chercheurs ont commencé à collaborer avec Novartis pour la création du prochain vaccin antigrippal qu’ils espèrent pouvoir fabriquer en deux fois moins de temps. Ils envisagent à terme de créer des algues (bactéries) capables de produire des biocarburants, ou d’assainir l’environnement avec des algues captant le CO2 ou des algues capables de nettoyer l’eau. La génomique synthétique pourrait aussi permettre de créer des composés chimiques, des ingrédients alimentaires. « Nous entrons dans une nouvelle ère où nous sommes surtout limités par notre imagination », estime le Dr Venter.
Sciencexpress 20 mai 2010.
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