Canitie post-traumatique ou congénitale
« La médecine ne peut rien contre la canitie sénile ; elle ne peut rien non plus contre celle qui est due à une cause accidentelle ou morale ; enfin, c'est souvent sans résultat aucun qu'elle attaque, par les moyens les mieux appropriés, les plus rationnels, les causes morbides qui peuvent hâter ou déterminer la blancheur générale ou partielle des cheveux ou de la barbe. Le seul remède à employer contre l'albinie, remède prompt et certain, mais que le véritable thérapeute ne saurait jamais donner, c'est l'arrachement journalier de chaque cheveu ou poil blanc, arrachement conseillé soit par la coquetterie, qui, chez certains sujets, ne vieillit jamais, soit par le besoin impérieux et mensonger de cacher aux autres les signes d'une vie déjà avancée. Mais ce remède, assez douloureux par lui-même, n'est-il pas pire que le mal ? », lit-on dans le traité de Foy (S. Foy, « Traité de matière médicale et de thérapeutique appliquée à chaque malade en particulier ». Éditions Germer-Baillière. Paris, 1843, 682-683).
Le blanchiment spontané des cheveux à la suite d’une « cause accidentelle ou morale » est rappelé. Il est vrai que, chacun l’aura observé, un choc psychique peut conduire au développement d’un blanchiment du jour au lendemain des cheveux. Tel fut l’observation d’une jeune personne victime de l’attentat de Nice du 14 juillet 2016.
Certes la canitie touche le plus souvent les Caucasiens, et si l’on doit suggérer un mécanisme, il est clair qu’il s’agit de la diminution de l’activité de la tyrosinase des mélanocytes. Néanmoins la canitie précoce, c’est-à-dire qui survient avant l’âge de 40 ans, a probablement une signification. Lorsqu’elle est congénitale, elle fait partie de certains syndromes dermatologiques rares (tableau).
Canitie et maladies auto-immunes
Bien que peu ou pas enseignée la canitie se rencontre plus fréquemment chez des personnes ayant une pathologie auto-immune. L’exemple type est le phénotype de la maladie de Biermer, avec ce faciès particulier, les yeux bleus et la canitie précoce. De nature auto-immune, la maladie de Biermer, qui conduit au déficit en Vitamine B12, s’associe à la thyroïdite d’Hashimoto dans 30 % des cas.
Selon l’expérience de chacun la canitie aidera le clinicien à formuler ou envisager le diagnostic d’une maladie des agglutinines froides, d’un lupus érythémateux, mais surtout d’une forme particulière de vitiligo avec hypertension artérielle pulmonaire, ce triptyque canitie-vitiligo-HTAP ayant été reconnu ultérieurement comme l’expression d’un syndrome des anticorps antiphospholipides.
Dans mon expérience, la canitie précoce s’est vue associée à des nodules hypodermiques de Darier Roussy, manifestation d’une sarcoïdose, même s’il ne s’agit pas à proprement parler d’une maladie auto-immune.
Lors du déclenchement à l’occasion d’un stress, l’hyperthyroïdie peut s’accompagner d’un blanchiment des cheveux. Il s’agira alors d’une maladie de Basedow. Bien sûr il n’y a rien d’étonnant à observer une canitie au cours d’un vitiligo.
Canitie et autres affections
La canitie a été rapportée au cours de l’infection par le VIH. Elle est aussi connue des internistes quand elle survient de façon rapide sous l’effet de chloroquine.
La canitie est associée à des pathologies carentielles, ce qui se comprend aisément. Il s’agit de carence en fer, de situations de malnutrition et de ce que l’on appelait par le passé des régimes lacto-végétariens. De tels régimes laissent envisager des déficits non seulement en fer, mais aussi en vitamines du groupe B, B12, notamment.
Ostéoporose : la fréquence de l’ostéoporose dans la population de personnes avec canitie a suscité beaucoup d’émotion depuis la publication du JCEM en 1997 (82-3580-83), car depuis cette publication la canitie était aisément associée à l'ostéopénie.
Maladie de Parkinson : la fréquence de la canitie chez des malades parkinsoniens s’observe aisément dans les services de gériatrie. Toute personne âgée présentant une canitie doit se faire rechercher une hypertonie de type parkinsonienne par le test du poignet de Froment, au cours duquel on mobilise le poignet controlatéral pour y ressentir une hypertonie en tuyau de plomb, ou saccadée en roue dentée, tout en faisant serrer un stylo dans la main controlatérale.
Faut-il voir dans la pemphigoïde bulleuse une maladie auto-immune associée à la canitie, ou bien une association fréquente avec la maladie de Parkinson, liée à la canitie par d’autres mécanismes ? La publication d’un cas de repigmentation des cheveux blancs chez un malade parkinsonien sous traitement (Clin. exp. dermatol. 1989, 14, 317-8) semble donner un support physiopathologique.
Faut-il en faire un signe clinique ?
Il paraît évident que la survenue précoce d’un blanchiment des cheveux ne peut pas laisser un médecin clinicien sans réaction. Il est aisé de rechercher une prise médicamenteuse, un choc psychique ou encore une maladie de Parkinson.
Lorsqu’un malade consulte pour une pathologie polymorphe, s’intéresser à la canitie comme un marqueur de maladies auto-immunes n’est pas inutile, même si les cheveux blancs ne sont pas prédictifs de la survenue de telles affections. Il y a sans nul doute plus de personnes avec canitie précoce chez les malades ayant une maladie auto-immune. Ce qui ne veut pas dire que le fait d’avoir une canitie vous fait courir le risque d’une pathologie auto-immune.
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