Claude Linassier est professeur des universités et praticien hospitalier (PU-PH) au CHRU de Tours où il est responsable du service d’oncologie. Il dirige depuis août 2023 le pôle de l’Institut national du cancer (INCa) en charge de la prévention, de l’organisation et des parcours de soins. La campagne de communication et de vaccination lancée à l’automne 2023 en direction des adolescents proposait gratuitement, sur la base du volontariat, une vaccination contre les papillomavirus humains (HPV), à l’origine de nombreux cancers.
Le Quotidien du pharmacien.- Quels sont les résultats de la campagne de vaccination anti-HPV lancée l’année passée ?
Pr Claude Linassier.- La mobilisation a été excellente, aussi bien dans les collèges qu’en ville. Le vaccin dont nous disposons a été validé par l’OMS et est extrêmement efficace. Nous avons un recul de plus de 15 ans maintenant et une veille sanitaire est assurée, aussi bien par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) que par l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) en France. Au total, plus de 300 millions de doses ont été administrées de par le monde dont 6 millions en France. Durant l’année scolaire 2023-2024, ce sont ainsi 420 000 adolescents de 5e, soit d’environ 12 ans, qui ont reçu leur première injection, dont 300 000 en ville. Filles et garçons confondus. Cela représente 48 % des jeunes de cet âge. Le chiffre est en augmentation de 17 points par rapport à l’année 2022, hors campagne. Chez les adolescents de 16 ans, la couverture vaccinale est de 45 % pour les filles et 16 % pour les garçons. C’est une progression de respectivement 7 et 8 points par rapport à l’année précédente.
Qu’en est-il des pharmaciens dans ce dispositif ?
Nous n’avons pas de chiffres sur la vaccination en officine, mais les pharmaciens jouent un rôle de premier ordre dans le succès de la campagne. Concernant l’aspect communicationnel, ils sont en mesure d’informer, de relayer la campagne, par des affiches en vitrines, ou en distribuant les documents, ou directement en proposant la vaccination aux jeunes ou aux parents. Ensuite, les pharmaciens sont désormais compétents pour prescrire le vaccin et réaliser les injections. Ils suivent parfois les adolescents depuis leur enfance et ont la confiance des parents. De plus, s’il est recommandé de recevoir le vaccin au début de l’adolescence, il n’est pas inutile de le faire plus tard, lorsque l’on ne l’a pas reçu. Il est préférable de le faire tard que de ne pas le faire du tout, dans ce cas, un schéma à trois doses est recommandé. Les pharmaciens peuvent proposer de réaliser ce schéma plus tardif.
Chez les adolescents de 16 ans, la couverture vaccinale est en de 45 % pour les filles et 16 % pour les garçons
Pr Claude Linassier
Comment pourrait-on améliorer le dispositif ?
Il faut continuer à encourager la mobilisation. L’objectif de la stratégie décennale de l’INCa est une couverture vaccinale de 80 % en 2030. Grâce à la déjà excellente mobilisation, le bilan est largement favorable. Je pense que l’on a réussi à convaincre la population dans sa globalité de l’intérêt de ce vaccin, en témoigne les 300 000 vaccinations en ville. Les tabous concernant la sexualité de l’enfant tombent et on arrive à aborder ces sujets délicats, à sensibiliser correctement, mais il faut continuer à mobiliser les professionnels de santé sur le terrain et les établissements scolaires pour préserver cette dynamique. Nous devons poursuivre la mobilisation, la communication autour de l’innocuité et l’intérêt de ce vaccin. C’est le seul vaccin qui protège efficacement contre ce type de cancer. Le vaccin prévient de 90 % des infections HPV. Ce sont ces messages-là qu’il faut continuer à relayer pour réussir à casser la transmission. En France, il y a 6 400 cancers chaque année qui sont induits par des HPV.
L’objectif de la stratégie décennale de l’INCa est une couverture vaccinale de 80 % en 2030
Comment la population générale perçoit-elle cette campagne ?
Il y a toujours des résistances, il y a toujours quelques complotistes, mais rien que de la communication ne puisse résoudre. La grande difficulté, comme je le disais précédemment, c’est la question des tabous. Parler de la sexualité d’un enfant de 11 ans, ce n’est pas facile. Aborder cette question et celle de la transmission d’un virus par cette voie est en train de se normaliser au sein de la population. La campagne de communication fonctionne, notamment grâce aux pharmaciens. Nous avons des données qui montrent qu’en métropole 85 % des gens sont favorable et 48 % sont très favorables à la vaccination HPV. C’est un peu moins en outre-mer, mais l’évolution de l’opinion va dans le bon sens. Les chiffres sont les mêmes dans les collèges : 80 % des gens y sont favorables, c’était 25 avant la campagne de vaccination.
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