Prises de court par le virus SARS-CoV-2, les autorités de santé n'ont eu de cesse d'adapter leur discours, attendant parfois de disposer de données scientifiques robustes avant de prendre des décisions.
Ces hésitations ou ces changements de doctrine ont entretenu une certaine confusion, faisant le lit des idées fausses ou de comportements à risque. Les gestes barrières n'y font pas exception. Si ces mesures de protection se sont affinées au fil des mois et des moyens, elles restent la cible de procès ou d'un dénigrement dangereux, contre lesquels les professionnels de santé doivent s'armer d'arguments. Le premier d'entre eux, c'est qu'en hygiène, l'association de plusieurs mesures (on parle de bundle) est la stratégie la plus efficace pour assurer une protection contre les microbes.
Les masques : une protection à double sens
Qu'elles sont loin les péripéties pour approvisionner suffisamment et durablement les Français en masques. Quant à l'efficacité de ce dispositif, elle a fait ses preuves, à condition d'utiliser un masque répondant à des normes validées, et de le porter correctement. « Qu'il s'agisse des masques médicaux ou des masques utilisés dans le milieu communautaire, l'objectif est double : éviter que la personne qui le porte projette des microgouttelettes de salive, et lui assurer une protection vis-à-vis des postillons émis par les interlocuteurs », commente le Professeur Frédéric Barbut, hygiéniste à l'hôpital Saint-Antoine (Paris). Ce qui impose de manipuler ces masques avec précaution, pour que ce dispositif de protection ne devienne pas un vecteur de contamination.
Attention, il y a masque et masque
Autre recommandation importante : respecter les consignes du fabricant. Quoiqu'en disent certaines associations de consommateurs, un masque à usage unique ne se lave pas ; il doit être jeté après utilisation. « À l'heure actuelle, on ne connaît pas l'impact du lavage sur les propriétés filtrantes du masque à usage unique. En outre, le lavage abîme l'élastique », note Frédéric Barbut. Informations fausses ou mise sur le marché de pseudo-dispositifs sans preuve scientifique de leur efficacité, les pièges ne manquent pas. Dès le printemps, les masques en mentonnière se sont positionnés comme une alternative au masque classique mais de sérieux doutes persistent quant à leur pertinence. « D'une part, ces masques en mentonnière ne protègent que la bouche de celui qui le porte, d'autre part ils n'empêchent pas d'inhaler les projections envoyées par l'interlocuteur. Il ne faut pas les référencer en pharmacie. »
À l'inverse, les visières offrent une réelle protection vis-à-vis d'une contamination par les yeux. Ce risque potentiel n'a jamais été formellement démontré, d'où leur utilisation réservée aux soins avec risque d'aérosolisation (le prélèvement nasopharyngé par exemple), en complément du masque FFP2.
GHA et SHA plus forts que le savon
« Le gel hydroalcoolique (GHA) constitue la technique de référence d'hygiène des mains », rappelle d'emblée Frédéric Barbut. Utilisés sans eau, faciles à transporter, les GHA et SHA présentent un effet bactéricide ou virucide démontré et immédiat. Et contrairement à une idée véhiculée au cours des derniers mois, les GHA sont bien tolérés, mieux que les savons. « Les savons sont des détergents, et altèrent le sébum. Ils ont une action mécanique pour débarrasser la peau des salissures, mais on ne connaît pas leur efficacité bactériostatique ou bactéricide. »
Aération et désinfection : un vrai plus
L'aération des pièces est une mesure apparue plus tardivement. Elle est pertinente dans les zones confinées, pour renouveler l'air et diluer la quantité de virus. L'aération n'affranchit pas d'une désinfection protocolisée dans les espaces accueillants du public. Cette désinfection doit être pratiquée avec un produit disposant d'une norme virucide (14476). « Il s'agit d'une norme expérimentale, dans des conditions qui ne correspondent pas à la vraie vie (le temps de contact par exemple est d’une heure en condition expérimentale) et avec d'autres virus que le SARS-CoV-2. Les données permettent cependant d'estimer l'activité du produit dans les plus mauvaises conditions. Il est donc important de ne sélectionner que des produits répondant à cette norme pour la désinfection des surfaces », confirme l'hygiéniste de l'hôpital Saint-Antoine.
La protection par les gants : une mauvaise idée
Le port de gants médicaux répond à des indications de précaution très limitées, comme le rappelle Frédéric Barbut : « on ne porte un gant que s'il y a un contact ou un risque de contact avec un liquide biologique, si on manipule des déchets souillés ou si on pratique un bionettoyage ou une désinfection de matériel. Un gant porté à mauvais escient est dangereux ; la personne se sent certes protégée, mais elle risque de disséminer le virus. » En outre, le port de gant n'affranchit pas d'un lavage des mains par GHA avant de mettre le gant, et après l'avoir retiré et jeté. « Les gants ne sont pas totalement imperméables s'ils sont portés longtemps et des microfissures peuvent exister, laissant passer les bactéries et virus », insiste Frédéric Barbut.
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