Le Quotidien du pharmacien. - Quelle est la situation en ce qui concerne les antiviraux ciblant le virus grippal ?
Pr Bruno Lina.- Nous disposons toujours de l’oseltamir-Tamiflu, un inhibiteur de la neuraminidase. En revanche, pour les deux autres inhibiteurs connus, le zanamivir – Relenza a été retiré du marché en 2017 et le peramivir-Rapivab n’est pas disponible en Europe. De nouveaux produits sont en cours de développement, parmi lesquels le baloxavir marboxyl qui inhibe l’activité de la polymérase du virus grippal. Il est commercialisé dans certains pays sous le nom de Xofluza. Il s’agit d’un produit assez efficace qui entraîne une diminution importante de la charge virale. Tout comme en ce qui concerne l’oseltamivir, il doit être administré précocement en cas d’infection. Il présente l’avantage d’une prise unique du fait de sa très longue demi-vie.
On peut également citer le favipiravir-Avigan, d’abord développé contre les fièvres hémorragiques, parmi lesquelles la maladie à virus Ebola. Il a également été testé contre le SARS-CoV-2, agent comme on le sait du Covid-19. Son efficacité se révélant modeste, je doute que cette molécule obtienne une AMM. D’autres antiviraux potentiels ciblant le virus grippal sont en cours d’investigation.
Qu'en est-il du virus syncytial respiratoire ?
Nous disposons déjà d’un anticorps monoclonal dirigé contre le VRS – plus précisément contre le site antigénique de la protéine de fusion du virus - avec le palivizumab- Synagis. La nécessité d’administrer ce médicament en six injections intramusculaires de suite à un mois d’intervalle rend son maniement peu pratique.
Un nouvel anticorps, le motavizumab - un dérivé du précédent - semble présenter une efficacité supérieure, une meilleure tolérance et requiert moins d’injections du fait de sa plus longue durée d’action. En parallèle, un autre anticorps monoclonal - le nirsevimab - à longue durée d’action Ces médicaments pourraient être utiles et plus simples d’utilisation en prévention chez les enfants fragiles.
Et des autres virus respiratoires ?
Je ne vois pas de molécules envisageables à très court terme en ce qui concerne les virus parainfluenza, le métapneumovirus et les autres coronavirus (hormis le SARS-CoV-2). Au reste, il s’agit de virus à l’origine le plus souvent d’infections bénignes et dont l’incidence de formes graves est faible.
Quel regard portez-vous sur l’arrivée de deux premiers antiviraux actifs contre le SARS-CoV-2 ?
C’est un événement très positif car ces produits sont intéressants. Il faut avoir présent à l’esprit que le Covid-19 est une infection qui évolue en trois phases : une phase initiale de multiplication virale, suivie d’une phase inflammatoire vers le 4e – 5e jour et enfin une phase tissulaire à partir de la 2e semaine qui conduit certains patients en service de réanimation à la suite de la destruction de leur parenchyme pulmonaire.
La corticothérapie, en réduisant le processus inflammatoire, améliore la survie des patients. Mais nous ne disposions pas jusqu’ici d’antiviraux à l’efficacité significative, le remdesivir s’étant révélé globalement décevant, si l’on excepte certaines indications. Il est important d’entraver la multiplication virale aussi précocement que possible et c’est ce que font ces deux molécules actives par voie orale.
Les essais cliniques montrent que leur administration au plus tard dans les cinq jours qui suivent le début des symptômes et sur une durée courte de cinq jours entraîne une réduction du nombre de formes graves chez les patients fragiles. On peut remarquer que ces deux molécules ont des points d’impacts différents, la polymérase virale pour le molnupiravir-Lagevrio du laboratoire Merck – qui devrait être disponible très bientôt en France - et la protéase du virus pour la combinaison PF-07321332 et ritonavir - Paxlovid du laboratoire Pfizer qui pourrait arriver sur le marché au premier trimestre 2022 au plus tôt.
Pour autant, ces produits ne sont pas anodins, notamment le molnupiravir connu pour être génotoxique. Un effet qui relève d’ailleurs de son mécanisme d’action qui est d’induire l’apparition d’un grand nombre d’erreurs lors de la réplication virale aboutissant à des génomes non infectieux. Mais cette action, liée à une dose cumulée, peut concerner aussi les cellules humaines. Cela ne devrait, néanmoins, représenter qu’un risque faible dans le cadre d’un traitement de courte durée. Un avis de la Haute Autorité de santé est en cours pour déterminer des conditions de son utilisation.
Par précaution ces médicaments seront donc contre-indiqués dans un premier temps chez la femme enceinte. Ces deux produits représentent une première génération d’antiviraux actifs sur le SARS-CoV-2, qui devrait être suivie de nouvelles molécules optimisées, en cours de développement, encore plus efficaces et mieux tolérées.
En conclusion, ces antiviraux devraient être complémentaires à la vaccination et ne pas s’y substituer.
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