Signe de mal-être ou réalité physiopathologique ?

Covid long : des médecins britanniques à la recherche d’une reconnaissance

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Publié le 27/10/2020
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Alors que des soignants britanniques cherchent à faire reconnaître leur Covid long comme une pathologie liée au travail, une première publication dessine les contours de ce syndrome non respiratoire mais lié au SARS-CoV-2.
Le NHS a mis en place le 7 octobre des filières de consultation dédiées au Covid long

Le NHS a mis en place le 7 octobre des filières de consultation dédiées au Covid long
Crédit photo : AFP

Depuis la fin du mois d’août, un groupe Facebook de 100 médecins britanniques a alerté le service de santé, le NHS, sur les soignants victimes de « Covid Long ». Sous cette entité sont regroupés des symptômes très variés allant de la dyspnée à l’asthénie prolongée. Si certains soignants avaient été hospitalisés initialement pour des symptômes respiratoires, la plupart avaient présenté des signes modérés pendant 2 à 3 semaines (« comme une grippe ») suivis de myalgies, de céphalées, de vertiges et d’une asthénie intense.

Au sein du groupe Facebook, les patients/médecins parlent d’un retour au travail pesant, difficile et d’une impossibilité à demander de l’aide par sentiment de honte. Les Dr Amy Small et Richard Campbell ont pris la tête de ce mouvement de support mutuel des médecins et d’aide à la reconnaissance de cette affection en maladie professionnelle. Ce groupe a aussi permis de rassembler toutes les données scientifiques sur le syndrome de Covid Long et de proposer des pistes juridiques en particulier pour les intérimaires et pour les personnes qui n’ont pas pu produire de résultats de test RT-PCR positif concomitant à leur période de travail.

Asthénie prolongée

Devant l’absence de reconnaissance professionnelle de leur affection, certains médecins ont dû piocher dans leurs économies pour faire réaliser des examens (IRM en particulier) afin de faire préciser les causes de leur asthénie prolongée, et ce d’autant plus que nombre de confrères médecins référents étaient dubitatifs quant au lien de causalité des symptômes avec le Covid.

La British Medical Association (BMA) par le biais du Dr David Strain (directeur médical) a pris parti auprès du NHS pour la reconnaissance en maladie professionnelle des médecins en Covid long. « Depuis le début de l’épidémie, 5 650 personnes se sont adressées à nous afin d’obtenir des renseignements sur le Covid, dont 12 % qui ont été testés, 16 % qui pensaient avoir été infectés mais n’ont pas eu accès au test. Sur l’ensemble des appelants, 30 % se plaignent d’asthénie prolongée ou de dyspnée et 18 % (soit 270 médecins) de troubles de la mémoire, des douleurs diffuses, de difficultés de concentration… Un ensemble de signes compatibles avec un Covid Long, explique le Dr Strain. Près de 1 000 médecins ont dû poser des congés prolongés ».

Lorsque l’ensemble des soignants du NHS est pris en compte, les principales tranches d’âge atteintes sont les moins de 45 ans, alors même que ce sont ces personnes qui assurent les services en roulement jour/nuit.

Devant l’afflux de patients – soignants ou non – consultant pour Covid Long, le NHS a mis en place le 7 octobre des filières de consultation dédiées faisant intervenir des pneumologues, des rééducateurs, des psychologues… 60 000 Britanniques seraient concernés par cette pathologie après la première vague de Covid et ce chiffre devrait augmenter avec la deuxième vague en cours.

Une description physiopathologique

Si le syndrome inflammatoire multi-systémique post-Covid pédiatrique (Multi Inflammatory Syndrom Children MIS-C à l’origine de pathologies cardiaques proches du syndrome de Kawasaki) a été décrit rapidement au décours de la première vague, la réalité de cette affection chez les adultes n’a été évoquée que récemment. Un article de Morbidity and Mortality Weekly Report sur 27 adultes nord américains et anglais, permet d’en savoir plus sur ce nouveau syndrome désigné sous l’appellation MIS-A (Multi-inflammatory Syndrom Adult). Ces patients ont été atteints de symptômes généraux (fièvre, maux de gorge, myalgies), cardio-vasculaires (douleurs thoraciques), gastro-intestinaux, dermatologiques (rash) et neurologiques (céphalées) avec de rares signes voire une absence des signes respiratoires.

C’est la réalisation systématique d’un test RT-PCR ou d’une sérologie qui, dans 30 % des cas, a permis de faire le diagnostic de Covid-19. Aucun patient n’a présenté de Covid-19 respiratoire grave nécessitant une intubation, mais ils ont tous été suivis en soins intensifs pour des atteintes cardiaques ou vasculaires allant jusqu’au choc vasoplégique avec une composante cardiogénique. Comme pour les enfants atteints des MIS-C, les examens biologiques des adultes MIS-A ont retrouvé des signes d’hyper-inflammation (CRP majorée, D-dimères et ferritine élevés) et une atteite multi-viscérale (majoration de la troponine, cytolyse hépatique…). Les patients ont été traités par immunoglobulines, anticoagulants, corticoïdes, inhibiteurs de l’interleukine 6 voire vasopresseurs. Trois décès ont été déplorés.

Il est actuellement difficile d’affirmer l’origine physiopathologique de ce syndrome inflammatoire : il pourrait être en lien avec une réaction inflammatoire initiale inappropriée ou avec une persistance virale prolongée au sein de certains organes. Les cas de Covid long seraient-ils en lien avec un MIS-A léger ? C’est une hypothèse possible.

https://www.cdc.gov/mmwr/volumes/69/wr/mm6940e1.htm

Dr Isabelle Catala

Source : Le Quotidien du Pharmacien