LA PERTINENCE des études épidémiologiques en nutrition croît de l’étude écologique (comparaison de groupes de sujets, pays…), à l’étude cas-témoins, l’étude prospective (les ajustements sur les facteurs confondants tentent d’atténuer des groupes différents au départ), jusqu’à l’étude d’intervention (tirage au sort des groupes). Seule cette dernière peut affirmer au-delà de l’association, une relation de causalité. Dans tous les cas, un éclairage mécanistique physiopathologique est nécessaire.
L’étude* suédoise de Michaelsson K. et al., qui est venue jeter le trouble porte sur 2 cohortes, l’une de femmes (n=61 433, âge initial 39-74 ans, suivi moyen 22 ans à partir de 1987), l’autre d’hommes (45 333, âge initial 45-79 ans, suivis moyen 13 ans à partir de 1997). Un questionnaire alimentaire était fait à l’inclusion, puis – chez les femmes – 10 ans après. Les petits buveurs buvaient 1 verre de lait suédois/j (200 ml), les gros buveurs, plus de 3 verres/j (600 à 1 000 ml). Ont-ils maintenu leur consommation au fil des ans ? Pour fixer les idées, la consommation moyenne en France est de 100 ml/j…
Quels sont les résultats ? Chez les femmes on observe une association entre boire 600 ml à 1 litre de lait par jour et risque augmenté de décès (+ 93 %) et de fracture du fémur (+ 60 %). Chez les hommes, la surmortalité liée à la consommation de lait est moindre (+10 %) attribuée à un sur-risque cardiovasculaire. À l’opposé, dans les deux sexes, consommer des produits laitiers fermentés (yaourts, fromages) s’associe à une diminution des décès et fractures du col du fémur (-10 à15 %).
Pour expliquer l’impact contradictoire du lait et des produits laitiers fermentés dans l’étude, les auteurs proposent des arguments mécanistiques : le galactose, facteur de stress oxydatif et l’inflammation. « Le galactose est présent dans le lait et pas dans les produits laitiers fermentés. II raccourcit l’espérance de vie en laboratoire (souris, rats, drosophiles). Peut-on extrapoler à l’homme ? Ils citent la galactosémie maladie génétique où le galactose s’accumule dans des quantités qui n’ont rien à voir. Ils émettent l’hypothèse du galactose facteur de stress oxydatif devant une élévation du 8-iso PGF2α urinaire. Ce marqueur de stress oxydatif est lié à l’acide linoléique… et le lait en contient très peu. Ils évoquent l’inflammation en raison d’une augmentation de l’IL6 (seulement chez l’homme… pourquoi pas la femme) discordante avec les études in vivo qui montrent que boire du lait s’associe à une baisse des paramètres inflammatoires », remarque le Dr Jean-Michel Lecerf, nutritionniste (Institut Pasteur, Lille).
Quantité et diversité.
« Cette étude est hors-norme du fait de très gros buveurs de lait (jusqu’à 1 litre par jour). Contredit-elle l’étude MONICA ? Non, car les quantités de lait comparées n’ont rien à voir : dans MONICA la "forte" consommation c’est 150 ml/j. Comparée à "l’absence" de consommation, cette consommation de 150 ml/j est associée à une réduction de 55 % du risque de décès. L’apport souhaitable est probablement autour de 150 à 200 ml/j. »
Quant au risque de fracture, « il est augmenté lorsqu’on ne consomme pas de lait. C’est bien démontré. De plus, les études d’intervention établissent une relation de causalité avec des arguments mécanistiques solides : les apports en produits laitiers augmentent la DMO, un des meilleurs marqueurs du risque fracturaire. Si le risque de fracture augmente chez les gros buveurs de lait (600 ml à 1 l) de l’étude, c’est probablement parce qu’en Suède le lait est supplémenté en vitamine A, ce qui implique un apport important en vitamine A. Cette vitamine est associée dans plusieurs études au risque de fracture », indique le Dr Lecerf.
Jean-Michel Lecerf conclut sur l’importance d’« encourager la diversité alimentaire, d’éviter de stigmatiser un aliment ou de le consommer en excès, ce qui se fait toujours au détriment des autres ».
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